samedi 23 mars 2002
cette nuit encore j'ai rêvé du garçon aux cheveux noirs. il est venu comme une ombre dans mon sommeil, un personnage de roman qui se fondrait au rêve. du fond de la nuit je l'ai senti tout près, soudain, c'était comme s'abandonner à nouveau au désir, le long chemin vers des histoires nouvelles. j'ai pensé - le soir, la nuit, la ville peureuse, le chemin de gravillons blancs, les arbres fous sous le vent, le parfum prégnant des lilas, et puis très vite l'immense maison, les escaliers sans fin, la chambre rouge et le garçon aux cheveux noirs, figé, dressé dans la lumière, qui me tourne le dos, qui ne me parle pas, qui reste soucieux et désolé devant la fenêtre, les bras le long du corps, tout entier emporté dans une songerie qui m'échappe. il est là dans mon rêve, le garçon aux cheveux noirs, dans mon rêve depuis si longtemps qui va et qui vient sans cesse, en silence, la nuit ouatée d'ombres en clair-obscur, le parfum lourd, prégnant, des massifs de lilas, le parquet ancien qui craque le long du corridor, sa silhouette dessinée sur le blanc de la fenêtre, - et soudain il se retourne, il a les yeux aussi sombres que la nuit, il ne me parle pas, jamais, il sait que le langage est une trappe à rats, il ne me parle pas il fait un pas vers moi.
toute la journée, je l'ai porté en moi comme une ombre, ses mains, sa bouche et les lilas violets confondus, mélangés, je l'ai porté en moi comme on porte un enfant, un rêve infini ou bien la mer étale, quand je cessais d'y songer soudain distraite par la lumière ou le cri d'un voisin j'avais l'impression de mourir de froid.
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