l'immédiate
journal d'O. à Tokyo

 

 

l'autre ville

20.04.04

Shibuya, le soir devant la gare, un homme en chemise blanche, sa veste repliée en arrière et retenue d'une main sur l'épaule, fumant, souriant, et qui attend une femme sans doute, un signe, ou un taxi avec une sorte de tranquillité heureuse, une étonnante radiance. je rêve le long des trains, l'odeur des soupes dans les gargotes, la gorge du métro qui souffle sa foule rapide, kimonos bigarrés, chaussettes blanches d'écolières, attachés-cases sérieux, jeans levis, geta laquées, talons aiguilles et sacs Vuitton. devant les vitrines des deux magots, dans l'odeur du bon pain, la blondeur infinie des brioches, c'est là que tout à l'heure les vieux hommes silencieux déplieront leurs cartons pour la nuit. j'aime ces hommes-là secrets du bord du monde, qui jouent aux pions dans la nuit froide. j'aime les foules rassemblées sur la place Hachiko, tribales et passionnées, folles autour des guitares, des tambours, tous les corps en désir qui prennent les rues d'un coup. c'est la ville dans l'urgence. la vie des interstices. toute une vague en contre-courant qui revient sur les convenances, les sourires, les politesses et les courbettes, mille ans d'effacement à autrui, c'est un tsunami nocturne, euphorique, bacchanal, qui s'en va au matin et revient chaque soir, poussant toujours plus fort, par les portes de la nuit.

 

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