l'immédiate
journal d'O.

 

 

la ville mémoire

15.06.04

au bord de la Seine, griffonnant dans le carnet de papier washi que je lui avais offert à Tokyo, David est accoudé au parapet en m'attendant et je le regarde un instant - désinvolte et tranquille, belle gueule de britannique des antipodes - avant de m'approcher. hey, dit-il, presque chuchotant dans le creux de mon cou, et il sourit, il traîne encore en lui cette espèce de tristesse douce et de pétulante jeunesse mélangées, l'immense confiance en la vie par le corps. c'est de ce noeud que devait naître la rencontre. maintenant l'écheveau se déroule. nous marchons côte à côte dans la chaleur. pour lui les villes immenses se suivent, d'Asie ou bien d'Europe, exotiques pareillement. pour moi les gouffres se creusent. dans la rue, dans les cafés, je mesure la distance. il y a ces souvenirs. toute une adolescence, dorée et sans soucis, rêves et amours qui tenaient le coup, lauriers, oeillères, le monde clos des cours des grandes écoles, les fauteuils profonds des cinémas, les pages des livres de toutes les bibliothèques, enthousiasmes fous, secrets partagés, dans l'été flamboyant qui brûlait jusqu'au coeur, mon coeur ravagé et refait sans cesse dans la ville, ville-passion, ville-mémoire, la ville qui m'a faite et où je ne peux plus vivre - ma vie est dans chaque pierre, chaque pierre m'est une prison.

 

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