l'immédiate
journal d'O. à Tokyo

 

 

lost in what ?

13.06.04

lost in translation aura au moins eu cet avantage d'aller me faire traîner, longtemps et sans fatigue, dans les sept étages lumineux de Tower Records à la recherche des disques de the jesus and mary chain. pour le reste : catastrophe. dans un petit café d'Iidabashi où elle a commandé des daifuku et du thé vert, Miyuki est horrifiée : le Hyatt Hotel de Shinjuku en long en large et en travers, c'est une drôle de manière de vivre le Japon, non ? ça n'est pas moi qui l'ai dit la première. je lui parle de Tokyo Eyes, de la splendeur de Tokyo Eyes, et puis elle s'exclame : ah oui mais tu es amoureuse de Shinji Takeda ! très amoureuse, Miyuki-chan, très, et c'est aussi parce que Shinji Takeda cache ses yeux d'eau noire et dangereuse partout dans les rues de Shibuya, qu'il est dans le corps de liane de tous les garçons de la Yamanote, qu'il habite la ville entièrement et m'habite pareillement, c'est parce que Tokyo Eyes c'est le désir même en mouvement de la ville - à l'opposé, la mauvaise rêverie de petite fille gâtée de Sofia Coppola, toute teintée de l'impérialisme le plus condescendant, le pire, celui que l'on retrouve chaque jour à Roppongi, à l'American Club et dans les yeux des gaijin américains de passage, cette rêverie-là s'arrêtera toujours à la sortie de la sphère connue des hôtels grand luxe ou de la langue anglaise, à l'exotisme utile d'une image ou d'un lieu (l'ikebana, le district de buildings de Shinjuku), elle fera mine d'appuyer sa tristesse à ce quelle ne s'applique à concevoir évidemment que comme "le mur" de la pensée japonaise et n'approchera chaque morceau de vie que comme un bel objet asservi à son esthétique orientaliste, le Japon comme toile de fond dont le seul argument poétique retenu est celui d'être étranger - la vérité c'est que Tokyo Eyes est la ville vivante, la ville merveilleuse, une ville qui absorbe et nourrit ses personnages comme elle m'absorbe et me nourrit depuis des mois - lost in translation n'est qu'un très long vidéo-clip américain du plus mauvais goût.

 

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