l'immédiate
journal d'O.

 

 

mon autre continent

01.10.04

Blow-Up à la cinémathèque, un des films fétiches de mon adolescence, de ces films auxquels je ne comprenais rien mais en lesquels je sentais tout un monde d'ombres et d'images qui venaient me parler dans mes langues secrètes, qui venaient m'inonder et me couvrir entière - je ne le savais pas encore : c'était la construction tranquille d'une sensibilité. est-il possible à ce point qu'à quinze, seize ans et puis sans le savoir, à la seule intuition j'ai pu sentir déjà ce qui viendrait se tramer dans la langue et le corps, le visible invisible, les rivières souterraines du sens, et puis dans le sillage d'Antonioni plus tard la découverte bouleversante du cinéma italien, européen, mondial, mais surtout, parce que le film venait en miroir d'une de ses nouvelles, la lecture fièvre de Cortazar (un été, dans mon bain, Hélène dormait dans la pièce d'à côté), Blow-Up pour un détail d'inspiration c'était la brèche ouverte à un autre continent, je tombais en flammes dans l'Argentine, je passais les frontières, j'écumais les lointaines colonies, mon coeur toujours à part dans une autre langue, autre musique pour le Brésil, et puis avec Neruda en filigrane j'effectuais le retour au vieux pays, Garcia Lorca les nuits de lune, Silvia Baron Supervielle ou Alejo Carpentier pour rejoindre Paris, Alejandra Pizarnic dans la splendeur, la beauté de langues et de passions lointaines qui tout ce temps en silence avaient semblé m'attendre et puis pour un détail, un hasard détourné, venaient enfin se révéler.

 

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