sous
la peau, si vite. sortant du Projet HLA au théâtre
de la Colline, parlant un peu avec un type qui se révèle être
l'auteur, je fuis doucement, chuchotant à ma
soeur : y'en
a qui ont vraiment de sérieux problèmes de famille
! évidemment,
je ne comprends rien à ce genre de névrose, à peine
plus au théâtre,
Denis Lavant par contre je comprends parfaitement - l'urgence et
l'allure. chez un ami de mon oncle que je n'ai pas vu depuis des
années je dîne
d'un vin de mon âge
et de vieux livres de médecine sur la manustupration, je le
sens fragile, délicat, heureux
sous
un parapluie troué comme le saint esprit
et tenant fort mon bras, riant, parlant
de cet
accent aux o ouverts et grande confiance et politique qui
est aussi l'accent de ma famille - comme tout autour de moi je sens
la présence, la tenue de chacun et de chaque chose, dans la
vaste mascarade du réel toujours ces repères lumineux
des luttes menées,
des camps choisis, ces signes de la tribu, trésors d'amitié -
cette
évidence qui me porte, d'avoir grandi dans une famille où chacun
se battait pour des projets et des passions et des idées -
et du fin fond de l'enfance je reconnais si bien soudain sa voix
encre et fumée,
le grand
printemps
pluvieux,
guitares
jazz des salles basses, bleus les yeux monstrueux qui dévorent
le visage, bleus et qui se fendent d'un coup dans l'enthousiasme
et la confiance - il y a un magma sûr, épais, il y
a une force
étrange, il y a un
code secret, je ne serai jamais seule.