breathing under water...

... living under glass

(un journal online)

 

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lundi 18 février 2002

encore des histoires dit marine, et j'écris.

ce que j'aimais par dessus tout, étrangement, c'était rester seule dans cette grande maison étrangère. il arrivait souvent que carolyn rejoigne steve sur son lieu de réunion pour le weekend, rhode island, tucson ou seattle. il arrivait aussi qu'elle m'emmène avec elle, comme ce soir où rentrant de l'école j'avais trouvé mes valises faites et prêtes à partir dans le hall, mom au téléphone avec une amie en train de lui demander si elle pouvait nous emmener à l'aéroport, me griffonnant entre deux mots un message sur un post-it : wanna go to atlanta ? il arrivait aussi qu'ils décident de passer le weekend dans la maison au bord du lac, et moi, retenue en ville par une répétition de théâtre ou autre chose, je me proposais pour garder la maison, steve éclatait de rire, me demandait avec combien de personnes dans le salon je comptais la garder, et puis il m'emmenait faire les courses pour le weekend et m'achetait de quoi nourrir la moitié de l'école.

restée seule dans cette grande maison étrangère, pour la première fois j'avais l'impression d'avoir trouvé un chez-moi, un endroit comme on en rêve, avec des escaliers blancs et des moquettes profondes où s'allonger pour lire devant la cheminée, un de ces endroits où l'on arrive pour y rester longtemps, et avec tant de bonheur que l'on s'en souvient toujours comme d'un temps béni, enjolivé dans le souvenir mais en réalité c'était bien ça, la maison magique de Walmer Street, les baies vitrées partout, la lumière à flot, extraordinaire, l'adolescence effacée dans le rêve, ce rêve qu'on a tant voulu qu'il a fini par se réaliser.

laissée seule à la maison j'ouvrais toutes les portes, j'allumais toutes les lumières. j'allais de pièce en pièce avec la musique, le chat sur les talons, volant de ma chambre à la piscine, de la télé à la cuisine, et courant encore partout le soir allumer toutes les lumières du jardin pour que april, angie, ryan et les autres ne se trompent pas de maison. en vérité, je ne comprendrai jamais comment les américains font pour retrouver leur maison parmi toutes celles du voisinage qui, généralement, se ressemblent toutes comme des jumelles, à un arbre ou une colonne près. alors je courais dehors, j'aimais tellement les grandes allées lisses bordées de réverbères ronds comme des lunes, j'allumais les petites lumières le long du chemin, et l'hiver sous la neige les grosses ampoules blanches qui bordaient le toit et les fenêtres de la façade, c'était comme un pied de nez à la nuit, au calme désarmant du quartier, très vite les voitures arrivaient, mom avait laissé une bouteille de vin sur la table et quelques fleurs dans un vase, on sortait dîner sur la terrasse, ryan avait apporté sa guitare et april la cassette de casablanca, je m'endormais toujours la dernière, tard le soir sur le bord du lit ou d'un canapé, angie au matin me réveillait avec ma chanson préférée, dave matthews band en boucle jusqu'à midi, nous restions toute la journée allongées sur des chaises longues avec de grands chapeaux de paille, je lui lisais belle du seigneur en français, elle disait : je ne comprends rien, mais ça sonne très bien, j'adorais ces moments, quand steve et carolyn revenaient ils ne descendaient même pas de voiture, ils klaxonnaient dans l'allée et je courais les rejoindre, et ensemble pour clore la semaine nous allions dîner quelque part, j'étais folle j'avais l'impression que l'air était très épais dans mes poumons, palpable, presque vivant. je souriais tout le temps.
je savais que j'avais de la chance. je savais que, aux états-unis ou en france, j'avais des parents formidables. ça n'est qu'au mois de mai, en parlant de la nuit de prom avec une étudiante d'échange danoise, que j'ai appris le sens du mot curfew.

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