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(un journal online)

 

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10-09-01

l'homme est un animal, me dit-elle

petit matin blanc. la lumière du phare a tourné en vain cette nuit. il n'est pas venu. qu'importe. je la rallumerai tous les soirs.

petit matin blanc. réveillée par une chanteuse québécoise en grande réflexion métaphysique : "toutes les hôtesses de l'air ont les mêmes jambes d'abord."
ah bon ? et tous ces avions que je rêve de prendre. en attendant, Aure part en belgique demain. petit déjeuner de départ. j'avais sorti les bols jaunes sur la table de la cuisine. il y avait du jus d'orange dans de grands verres à facettes, et de la confiture de myrtille, souvenir d'un été aux doigts bleus. il y avait des croissants croustillants et la lumière montante du soleil derrière les arbres.

pas un bruit, pas un souci.

petit déjeuner en paix.

j'ai rêvé de M cette nuit. mon babouin préféré. première rencontre solaire, ensolaleillée. un été grec, très chaud, brûlé de soleil. les plages blanches de Tolo, les ombres vertes de Delphes. je voulais toucher les pierres, grimper dans les montagnes et descendre me jeter dans la mer. j'avais quinze ans, à peine plus. je lisais à plat ventre sur le dos des bateaux. je lisais Camus, Gide, et la République. j'étais terriblement jeune, je ne cherchais rien et m'attendais à tout. j'avais rencontré M qui m'avait brûlée plus que tout.

il avait les yeux très verts. il me parlait de cette fille qui lui plaisait tellement et moi, grande ingénue devant l'éternel, attendit patiemment de comprendre avant qu'il ne prenne mes lèvres dans un élan. il me rendait très orgueilleuse, parce qu'il était brun à mourir, et brillant, et jaloux. il me rendait très orgueilleuse, très libre. j'étais la seule lauréate à ne pas venir d'un grand lycée. j'étais la seule lauréate à porter des robes plus courtes que le genou. j'étais la seule lauréate à sauter par dessus les balcons la nuit pour aller courir sur les plages. ça m'amusait beaucoup. j'étais jeune, j'étais vraiment très jeune. je me perdais dans les villes, les vignes, les ruines. je voulais tout, le bleu, le blanc, le vert, je voulais tout, tout le temps, et sans arrêt. il y avait l'odeur âcre des volailles au soleil dans les rues d'athènes, le vent salé remontant de la mer pour brûler le cap sounion, les jardins enchantés de l'ambassade où j'allais très blanche avec mes coupes de champagne, le long balancement des bateaux entre les îles...

lui, il avait des mains fines de pianiste, des chemises toujours blanches, toutes ses dents de jeunesse. tout le monde se taisait avant même qu'il ne parle. il était beau et fort et faisait japper toutes les filles. moi, j'aurai préféré mourir foudroyée par zeus qu'avouer un seul instant qu'il me plaisait aussi, évidemment. alors je l'ignorais froidement les premiers temps, j'étais très lointaine et distante, hautaine, toujours dans les extrêmes. mesdames messieurs un jour j'écrirai quelque chose sur les rapports de force dans les relations amoureuses. méprisez le babouin un moment et il s'en vient vous embrasser les pieds. j'étais jeune, encore, oui, voilà, je n'avais pas encore lu belle du seigneur, je crois que je connaissais déjà les codes par coeur, et ça me faisait beaucoup rire.

j'ai rêvé de M cette nuit, il avait toujours les yeux très verts, les cheveux très bruns. il avait toujours les mêmes allures de babouin, le jeune homme digne des séries harlequin. j'ai toujours eu le don pour attirer ces gens-là. les danseurs de kundera. sans doute parce que j'en suis une moi-même.

j'ai rêvé de M et j'en ai été toute attendrie. même si j'ai appris par hasard il y a quelques jours qu'il était entré à HEC. décidément, le cliché est complet, personne n'est parfait.

dieu merci, surtout pas moi.

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i learned what it takes to be a man
i learned to smoke, i learned to tell a dirty joke...

- pulp-