l'immédiate
journal d'O.

 

 

les villes et les enfants

24.10.03

Romain m'écrit : Saint-Petersbourg, une ambiance presque parisienne, le grand Paris, celui de la presqu'île, avec la femme qui donne à manger aux pigeons. La Russie m'a déçu mais Petersbourg m'a conquis. La Russie ressemble plus à celle de Tolstoï qu'à celle de Dostoïevski, elle manque de folie. Savais-tu que les Russes n'ont pas eu, pendant très longtemps, de mot pour dire "beau" : c'est le mot "rouge" qui signifiait aussi "beau" ? de Prague Nicolas m'envoie un e-mail pour me dire qu'il y neige, qu'il voulait que je sois la première ici à le savoir. je traîne dans les vieux rêves. je relis mon Pouchkine et j'aime à la folie les cahiers de Malte Laurids Brigge, de Rilke. je voudrais être partout, je voudrais tous les mots, C me demande quelle littérature je préfère, je dis : toutes les folies m'attirent. Deleuze : le point de folie de quelqu'un c'est le coeur de son charme. je rêve encore tout le temps le jeune homme aux cheveux noirs. je vis dans le vert tendre qui se peint sur les vitres quand on traverse, très vite, la campagne en voiture. la ville tout d'un coup nous avale. je ferme un peu les yeux comme les tous petits chats dans les caresses. sur la grande place venteuse, le col bien remonté, je suis dans les yeux bleus d'un type qui me sourit. il y a des enfants qui jouent dans les flaques et mon coeur en ballon leur passe entre les mains. tout est là dans ma vie. tout est là aujourd'hui comme un fil, une rivière de sa source qui court jusqu'à la mer - déjà de très loin et profond sous la peau je les porte en désir, les enfants de demain, et l'on peut tout me prendre, peut être, on ne rompra jamais ce pli secret du ventre, celui où vivent les rêves de ceux que je n'ai pas, que je veux, qui me manquent, que j'imagine encore pour être un peu moins seule, triste doucement et confiante, dans l'attente.

 

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