l'immédiate
journal d'O.

 

 

le pays intérieur

31.10.04

la route était sinueuse, lisse et collante comme un bras d'eau, nous filions à travers des champs d'herbe vive et des villages fantômes, pierre noire et forte, lourds secrets, dont déjà on ne voyait plus que les clochers pointés en flèche dans les forêts - à Besse la brume est devenue seule beauté - il y avait ce souvenir, oppressant et superbe, du film d'Antonioni (identificazione di una donna) quand la femme disparait lentement dans le brouillard infini, il y avait aussi le sentiment d'une euphorie sans faille : avancer dans le blanc, le monde présent et pourtant invisible, ne faire confiance qu'à son étoile, sa connaissance intime du pays intérieur. et soudain le lac était là dans la brume, splendide, à mon coeur entier dévoué, et nous ne le voyions pas. oh, cette présence, seulement, cette présence d'eau noire et de reflets alors que, mains liées, j'avançais avec L sur le tapis de feuilles rouges qui bordait la bouche d'eau, oh le calme merveilleux nimbé d'un songe bleu de bruine froide, les grandes mains anguleuses des arbres caressant nos cheveux, nos visages, courbés comme des prières et qui devenaient des portiques, des passages, des couloirs magiques dont on passait le seuil, pierre par pierre, souhait par souhait, sous les ramures bruissantes, murmurantes, le cristal de l'eau en chanson dans le coeur - une grande douceur me prenait toute entière. coeur heureux - peau vivante - yeux ouverts - emmenant L avec moi dans mon Pavin secret - la montagne était mienne - nous marchions dans le rêve.

 

avant - après
index - journal
ego -
archives -

© 1999-2006