l'immédiate
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pendule à l'heure 28.01.05 dans le jardin, au soleil, et buvant du thé vert à défaut de maté - quand N rentre je suis folle de joie, je lui crie : je crois bien que je viens de me réconcilier avec Borges ! - de la passion pour tout, ou de la passion pour rien - ceci étant, c'est une dérive de passion, politique évidemment, qui avait été à l'origine de mon grand agacement infondé pour Borges. j'avais tout lu trop vite, trop jeune, avide et aveugle comme la jeune hypokhâgneuse (hypo quoi ?) que j'étais, et je m'imaginais m'être fâchée pour deux raisons : la première parce que les Fictions m'avaient sérieusement ennuyée, ce qui est un peu de la coquetterie je l'avoue ; la seconde parce que j'avais alors pris son recul, sa froideur et son apparent détachement volontaire pour un pur et simple mépris de l'engagement politique, détachement conscient que je reprochais à Gracq également, à une époque où je croyais que la littérature devait avant tout chose soutenir une cause. je n'ai toujours pas beaucoup d'amitié pour le camarade Borges, guère plus pour Gracq, mais force est d'admettre que consciemment ou non la bonne élève nourrie au biberon de Jean-Sol Partre que j'étais a depuis rejoint leur rang en recul. dans l'écriture, on ne peut être d'aucune école. on ne peut être d'aucune obédience. oui, l'écriture et la littérature sont des batailles, mais les batailles à livrer sont d'abord au creux du langage, au pli de sa langue propre, elles relèvent d'une bataille fondamentale, pas d'un encartement à un parti ; elles sont un combat essentiel, humain, nécessaire, et complémentaire je crois mais en aucun cas asservi exclusivement à la cause d'un combat idéologique. voilà une pendule remise à l'heure - l'autre sonne trois heures, et je pars dans une minute pour l'Australie.
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