l'immédiate
journal d'O.
Paris

 

 

sans répit

10.10.05

la silhouette dans le miroir, l'éternelle interrogation. j'avance, je touche une glace qui touche une glace, une image qui porte mon nom. mon nom ? pris de l'histoire d'une autre, un nom lourd, poisseux, un nom qui sent la sève, la pluie et la vase chaude du lit de la rivière, un nom qui me colle à la peau jusqu'au fond noir du rêve. un soir comme un autre, mon nom jeté dans les couloirs liquides d'un métro en écho, je m'étonne toujours de tourner la tête, je m'étonne d'être sue, reconnue, jusque dans l'intimité ultime de mon nom qui m'absorbe, je m'étonne d'être en pleine lumière ouverte et révélée. qui est-ce que ce nom exige ? le vertige et l'ivresse, la nuit éparse, le goût du sang et des rues folles - des mots, toujours des mots, alors - qu'est-ce qui me fait au monde ? je ne m'en remets pas de cette peau qui palpite, de cette peau qui appelle, je ne me rallie pas toujours à ces forces qui m'animent, je ne les comprends pas, je les sens dans la chair qui poussent et qui avancent, je les aime d'être là, et dans l'oeil de la foule je suis et je ne suis pas cette sombre danseuse du soir, cette enfant, cette désirante, hautaine et maniérée, exigeante à crever et fragile comme la pluie, une somme vivante de souvenirs dont la plupart m'échappent ou ne reviennent que par hasard, par revers, suffoquée de bonheur pour l'odeur d'herbe fraîche d'un baiser de collège, soulevée toute entière d'une généalogie rêvée de dandies décadents, de princesses byzantines et de poètes maudits, je suis tout ce dont je rêve, tout ce que je désire et tout ce dont j'ai peur - une multitude - un éclatement - à chaque instant et sans répit surgissant de ma propre poitrine en flammes.

 

avant - après
index - journal
ego -
archives -

© 1999-2005