l'immédiate
journal d'O.
Paris

 

 

l'oeillade obscène et délicieuse d'une statue

09.10.05

il y a comme quelque chose qui rôde. c'est une image. c'est un mouvement. c'est l'oeillade obscène et délicieuse d'une statue de la fontaine Saint Michel quand je traverse la place avec lui et qu'il ne voit rien, que personne ne voit rien. c'est une sorte de nécessité. c'est la violence insoutenable de chaque chose, chaque instant, la foule aveugle, le jour aigü, les voitures toutes-puissantes mordant le bord des trottoirs et caressant le coeur d'une demande secrète, c'est la chair, tourbillon et silence, c'est le miroir, c'est l'oeil de l'autre, c'est cette multitude d'images renvoyées et qui me déborde la peau, suis-je assez forte, suis-je assez belle, suis-je assez intelligente et quand bien même les questions sont biaisées pourquoi alors toujours cette folle urgence ? c'est sa voix, c'est son corps, cette pesanteur de peau et d'os, c'est la peur panique qui m'étreint sans prévenir, c'est la langueur merveilleuse qui me soutient, c'est le manque de bande-son, le manque de raccords cinéma, c'est tout ce que j'ai lu et tout ce que je ne sais pas, c'est la vaine prise des mots, le langage trappe à rats, c'est le jeune homme aux cheveux noirs que je voudrais gifler de ne pas venir à temps, c'est le temps qui s'en va, c'est la famille aimée qui va sombrer et l'enfant à venir, c'est un pays qui est d'abord le mien par hasard de naissance, c'est une langue saturée de souvenirs, c'est l'échappée, c'est l'éclatement, c'est le désir incestueux des garçons aux yeux de fille et dont les mots me ressembleraient, un peu, c'est l'amour de leur danger, c'est cette impossibilité de l'immobilité, ce dégoût du statique, et le travail secret vers l'équilibre intérieur, c'est la peau qui emporte et la peau qui déchire, c'est le bonheur limpide et pourtant les rêves pâles, c'est la nuit, et le jour, et puis la nuit encore, et le sens filigrane, c'est l'écriture qui ne sauve de rien mais qui avance, profonde, qui creuse son cours en moi et qui use, qui saisit, ne laisse aucun répit.

 

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