l'immédiate
journal d'O.

 

Saint-Nazaire, le bonheur fou sur les quais, les docks, la brume épaisse et froide des chantiers, toujours les grues immenses, les camions bâchés de toile noire, l'alambic des tuyaux et des drains et des mâts et jusqu'à la masse physique, splendide, des cargos à la mer - tout est beau à voir, à vivre et à écrire, tout est vrai dans la peau (la rareté de la chose m'enivre absolument). au pont mélancolique qui s'envoie loin en l'air sur l'estuaire de la Loire, dans un sens et dans l'autre à ne jamais s'en lasser, folle de joie de sentir sous ses jambes les deux rives épaisses de tôle et de sable et de pointes élancées vers le ciel indéfini de brume - je pense à l'histoire possible d'un homme qui referait sans cesse ce trajet de l'irréel, dans la pluie, dans le silence, pour flotter lentement sur la beauté fragile du monde en marche dans le siècle morbide et l'industrie. je pense à l'histoire de cette autre, une jeune femme peut être et furieuse légèrement qui jetterait sa colère et sa joie dans la masse en fusion des chantiers Atlantique, elle danserait la nuit aux grands feux aux violons aux boîtes à rythme bancales des gitans qui ont fait glisser leur campement tout au bord des clôtures électrifiées, au bord des berges molles, au bord de l'autoroute et des vacances des autres, de ces grands silos noirs qui dressent leurs carcasses folles comme d'immenses monstres marins remontés du souvenir, du mythe, du barrage de la mort et qui attendent l'appel.

(à suivre, donc ?)

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jeudi 3 août 2006