l'immédiate journal d'O.
il faudrait peut être que j'arrête de lire des trucs bizarres ? Bukowski dans le bain, j'avoue que je suis sortie un peu pâle. cette violence inouïe, cette fulgurance parfaite. je pense au jour où j'ai donné à lire L'Anglais décrit dans le château fermé à M, qu'il est entré chez moi sans un mot, s'est assis et m'a regardée très longtemps avec l'air hébété du boxeur qui vient de valdinguer par dessus les cordes du ring (ce jour-là je l'ai aimé, terriblement). jusqu'à vingt ans je m'étais passionnée de façon enfantine et exclusive pour des livres qui m'étaient autant de miroirs faciles, de ponts sensibles dans l'obscurité ; et puis soudain, coïncidant sans surprise avec le choix de quitter le monde délirant de l'hypokhâgne, la gifle Bataille, Leiris, Réage, Huysmans (merci J). Sade, évidemment. je pense aux 120 jours de Sodome, ces hauts-le-coeur tranchants, ces attaques de toute part, et jusqu'où peut-on tenir ? faisons l'emportée couteau entre les dents : la littérature et l'écriture s'inscrivent toujours contre, ou par-delà, l'accepté pour tel - le reste n'est que divertissement. de même, je ne comprends pas bien comment on peut lire des histoires pour le goût de la trame ou de l'intrigue ; si c'est de l'événementiel que l'on veut, autant lire des biographies, ou le canard du jour. il m'amuse toujours de penser que ce journal en ligne puisse être lu pour ses données purement factuelles : je l'ai dit mille fois - le factuel n'est qu'une excuse, il n'est qu'un réceptacle commode pour l'image, la couleur, le point d'implosion du désir. la question de l'intime, d'ailleurs (mais je n'ai jamais voulu inscrire ce journal sous la catégorisation de journal intime) ne se posera jamais dans le factuel. ce qu'il faudrait, c'est sans cesse dépasser la peau, la langue, le sens de l'ordre et la pulsion. les aphorismes cinglants à la Cioran ne m'impressionnent pas du tout : je trouve de meilleurs navires de guerre dans l'image, dans la collision en soi que constitue l'image - et tant pis, tant mieux pour la teneur électrique de mon sommeil, je relis en berceuse la Porte dévergondée de Mandiargues, je descends encore une fois le long de l'escalier de fer dangereux et brinquebalant de la langue travaillée - en bas toujours les lentes femmes blanches avancent dans leurs robes de velours violemment échancrées, l'oeil de rat des milices, la moiteur érotique et sans limite possible de la nuit merveilleuse. avant -
après lundi
14 août 2006 |