l'immédiate
journal d'O.

 

 

quand Amy me dit l'enfant à venir toute la chaleur de l'été indien me revient sur la peau - et puis les larmes. l'autre langue, l'autre vie. P savait ça. l'adolescence américaine... making out under the pool table with a high school hottie, huh ? il fallait tout essayer. tout connaître. jusqu'à l'obsession, le heurt, la blessure. qu'est-ce qui m'avait pris dans la peau, seize ans brûlants ça faisait mal et sans issue - je tentais l'échappée : j'aiguisais mon urgence. alors : jetée dans le monstre de l'école inconnue et le bruit de l'air conditionné, ces fameux casiers de fer qu'on voit dans tous les films comment les ouvre-t-on ? chaque geste était à prendre, et parler et se tenir et lire entre les lignes, jusqu'à l'épaisseur folle de l'air cette pression sur la peau j'en riais de joie - de l'inconnu, de l'inattendu, de la merveille renouvelée d'être là dans sa peau vivant des choses difficiles et sublimes parce qu'on l'a choisi - en voiture dans le soir les grandes plaines du Midwest, les arbres-carillons qui bruissent et qui appellent, et le café épais des diners d'autoroutes, soudain verte la Floride, jetée par la lumière dans des bonheurs immenses - le week-end sur les terrains de tennis, les garçons et leurs guitares, Bob Dylan, shoegazing, ivres à huit heures du soir - il y avait le lac, dormir dans le soleil, aux hamacs de fortune, et puis rêver le monde - fireflies étonnants, cyclones des prairies nébuleuses, et les épaules de Jake, grands cris des matches d'automne, l'odeur d'herbe coupée et froissée dans ses mains

- mes éclats dispersés, visages clos du souvenir, reclus aux pages de mes cahiers

- de "retour", l'édifiante école française ne voulait rien entendre, surtout pas l'accent de mes grandes amitiés -

personne ne m'en aurait déchirée : tout était dans la peau

nuit douce, main dans la nuque, I'll take you home now. il conduisait avec deux doigts.

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samedi 1er avril 2006