l'immédiate
journal d'O.

 

elle surgit de la nuit dans des yeux d'hôpital. c'est une forme, c'est une vague, c'est le reste d'un rêve dévoré lentement : Dora (je pense aux yeux splendides de C, à l'étoile de fuschsine tatouée dans sa peau). Dora dans la nuit noire, elle serre dans sa poitrine la bête folle qui la ronge. son sommeil est léger, il saute comme un vieux disque et la projette encore, éberluée, épuisée, sur les boulevards factices. la pluie et les lumières sont égales dans sa bouche, une pâte médicamenteuse au fort goût de menthe verte, une masse, une colle, à peine une texture. Dora désespérée, Dora cherche des issues, elle flirte indécemment avec celle qu'elle refuse. un cachet, une voiture, il est si facile de gommer les frontières, une chute d’un pont ou d’une fenêtre, mais toute sa peau fait bloc, sa peau résiste encore, sa peau la tient ancrée dans une réalité qui ne la retient pas. le jour, la nuit, le jour encore viennent identiques à eux-mêmes et détachés à vif des images de ses rêves. Dora si douce, décharnée, vivante par-devers soi : c'est ce qu'il faut comprendre. à vingt ans elle avance dans la vie par à-coups, au rythme des liquides qui circulent dans ses veines, des fards qui la soutiennent, des aiguilles et des mains qui la traversent sans cesse. quelque chose vit en elle qui n’est ni elle, ni le néant. elle attend des nouvelles d’un pays inconnu et qui loge en son sein, un pays impalpable et qui paraît, splendide, puissant, en taffetas sombre, les soirs de gala sur les écrans géants.

 

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mercredi 20 décembre 2006