l'immédiate
journal d'O.

 

c'est une faille en soi, la plaie merveilleuse et puis que rien n'explique - c'est le refuge heureux de la famille et de l'enfance, bruyères sublimes, mon père en moto sur les crêtes, à table ensemble et riant, des valeurs non mais une confiance, une exigence poétique et politique du monde qui ne s'arrête à rien, de même : mon désir premier d'enfant est un désir profond et réfléchi d'éducation - toujours, j'ai été si merveilleusement accompagnée - c'est le refuge, le repos, sans heurt et sans autorité, c'est le bonheur fou d'être ensemble, ensemble où la langue ne trompe pas, ma langue natale c'est celle de ma famille, des livres, du soleil dans la peau, et pourtant ? pourtant la faille en moi, la faille ouverte de mes propres mains, le goût de la fuite et des villes neuves, la nécessité intérieure de m'écarter, de me heurter, de ressurgir dans d'autres langues, quelques fois j'ai si peur de me perdre, si peur de perdre mon temps sur des mirages lointains des exotismes inutiles quand tout est là pour moi - les très beaux yeux bord des larmes de mon grand-père qui me disent je t'aime, j'ai follement confiance en ton devenir de jeune femme libre - quelques fois j'ai si peur et pourtant, pourtant, c'est encore cette confiance première qui me soutient, c'est savoir qui je suis dans mon exigence du monde, quelles luttes, quelles forces, quelles alliances, d'où je viens, c'est pouvoir revenir de tout horizon et de toute souffrance, de tout doute, à tout moment pouvoir me refaire dans l'étreinte merveilleuse de ma tribu puissante, dans les rires, dans l'appui, dans la douceur sans jugement et puis le versant sud de ma maison - le territoire de l'enfance et du coeur toujours me tient forte du dedans.

 

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samedi 11 février 2006