l'immédiate
journal d'O.

 

boulimie de livres : je cherche les tropismes de l'être, du sentir, du désir, je cherche l'endroit de la rupture à soi et puis au monde. Clarice craque ("il ! doit ! y ! avoir ! une ! porte ! de ! sooooooortie !"), Yûko Tsushima n'attend pas de trouver, elle ne cherche pas même, elle invente - Les Marchands silencieux sont un bonheur mélancolique de beauté froide et de persévérance à la vie - papa Dazai a dû s'en retourner dans sa tombe littéraire et c'est bien mérité : la terrible Yûko trace des territoires d'une densité folle - c'est de l'air raréfié, de l'enfant nu qui crie, du mur de plâtre blanc à s'y frapper le front - dans l'écriture et le rêve elle ouvre sans relâche des portes extraordinaires.

de l'autre côté du monde Sylvia Plath a déjà abandonné la lutte, elle clôt sa tête avec une acuité délirante et qui blesse - The Bell Jar, quelle merveilleuse idée de lire ce carnage intérieur dans le soleil sublime et l'eau battante de ma famille, quand chaque page est une décharge électrique à la peau des jeunes filles... j'en pleure dans le couloir, d'un coup, je pleure longtemps pour l'année vide du suicide raté, l'année qui manque à son journal et dont The Bell Jar est la retranscription autofictionnalisée et violente, écrite quelque dix ans plus tard, et de courts mois avant la tête dans le four à gaz avec les mômes qui jouent heureux, légers, dans la pièce d'à côté soigneusement calfeutrée.

il faut de tout et de toutes les faces - je picore dans Colette, Le Pur et l'impur, j'adore, dans la série j'attaque la question du genre elle n'y va pas avec le dos de la cuillère (en argent), et je retrouve sans étonnement la Sappho girl Renée Vivien sous la plume de Remy de Gourmont (je dis : ah tiens c'est amusant, Pierre me dit : mais de quoi tu parles ???) - j'ai raté mon époque c'est certain, j'étais faite pour errer dans des verrières exotiques saturées de parfums et servir dans des coupes des poudres d'orchidées doucereuses et foudroyantes à de beaux garçons pâles aux grandes pupilles vert d'eau (le fameux vert d'eau Jean Lorrain) ou tenir à ma peau dans des bals enfumés de longues amazones brunes qu'on endort d'une caresse... bon. après tout c'est encore Jarry qui a raison, ce cher chouette copain Jarry quand il invente le Surmâle entre deux courses de côte et qu'il a le courage de lui faire enfin avouer : "il n'y a de vraies femmes que les Messalines."

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samedi 8 juillet 2006

les oeuvres de Clarice Lispector et Yûko Tsushima
sont publiées aux éditions Des Femmes (oui ça existe encore)