l'immédiate
journal d'O.

 

la saleté de ville close en mon coeur, je l'aimerai donc toujours pour des détails d'yeux noirs, des colères sans remède, la pierre vide des arcades - et j'y reviens sans cesse dans la promesse de ne plus jamais revenir - j'y reviens, je retrouve dans la nuit des fragments et des fougues, une voix qui chuchotait, par dessus le lac miroir d'un rêve : quand Sacha dansait le signe, suffoquée par la joie... Sacha, Ligiana, le garçon aux cheveux noirs qui pourrait s'appeler Sandro, Rafael, Ali ou Volodia, tout dépend des décors et tout dépend des nuits. sans cesse, je ne sais pas quoi faire de ces chairs sous ma peau. je ne sais pas les garder, ni les amener au monde, j'en suis témoin à peine dans les trajectoires vives de mes désirs-nébuleuses. Sacha... j'ai pensé à Sacha avec des yeux tirés dans un grand corps violent. Sacha la nuit tordue, Sacha sans apaisement. des cheveux et des lèvres très pâles, Sacha vivante tellement, et malgré soi : c'est ce qu'il faut comprendre. le corps fait mal, le corps fait moi, la mort comme un noyau dans le fond de sa gorge. Sacha sait. elle est de celles, terribles, qui déchirent leur chemise et l'appât de leur peau, la nuit, parce que la palette des choix entre l'événement et l'absolu n'est pas raccord aux angles. dans la cour des écoles tout du monde lui apparaît possible et monstrueux à la fois. elle pleure dans les branchages mouillés d'un parc de province. elle serre contre son ventre le sexe d'un garçon où l'odeur de fleur fade du bébé d'une cousine aux grands yeux insomniaques. son ventre appelle l'amour et la reconnaissance, son ventre vierge à chaque fois. Sacha cherche des issues. son corps lui est épais, en strates impardonnables, ses mouvements de ressac l'enivrent sans raison. le jour, la nuit, le jour encore viennent identiques à eux-mêmes et détachés à vif des images de ses rêves. fragile, les yeux blessés d'un rien, elle se voudrait garçon, oiseau, plante verte dans la salle d'attente d'un cabinet de médecins, elle reporte entièrement son désir d'apaisement dans une altérité, elle oublie qu'au matin dans la grande salle de danse aux parquets odorants elle a été garçon, oiseau, farouche plante exotique aux lianes tirées de sève, elle oublie que tout est là déjà, mouvant, disponible, sans pareil - Sacha est jeune, petite soeur du prégnant - quand dans la folle foule berceau d'une ville étrangère, l'eau infinie d'un lac ou l'émergence d'un rêve le mot avec le corps enfin s'agence comme une constellation d'étoiles Sacha renverse la gorge d'un coup, suffoquée par la joie.

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dimanche 23 juillet 2006

Avignon