... allant venant dans ma peau comme une fauve en cage et rêvant de le voir et souffrant de chaque chose la peur panique de son indifférence - robe noire, eye-liner, pas de bas changeant dix fois de tenue dix fois nom de dieu pour le type le plus débraillé de paris je rêve et noircissant les yeux au possible de peur violente du monde - dans la rue oh soudain la lumière brûle il me regarde il ne me touche pas je vais droit au bar je commande un gin je le bois d'un trait - oh l'insolente petite fille gâtée angoissée de déplaire je te croyais distant quand moi seule pose les barrières : et traversant la foule l'oeil sauvage corps en flammes tenant tout regard ou tout bras longtemps, si longtemps, voluptueusement, à l'exception des tiens, quel orgueil - | situations ridicules de vendredi soir dans des espaces bondés enfumés de désir quand B me prend l'immédiate par la taille R me parle dans le cou quand pour une suédoise une nantaise ou que sais-je tu notes sur le bord blanc des serviettes en papier des titres de livres que je t'ai donnés - avant - il y a des moments où l'on se hait cordialement - passé minuit je ne te regarde même plus, je dis à une chinoise ou une vénézuélienne d'ailleurs tous les types sont des cons on est bien d'accord enfin tous sauf mon père - et dans la foule compacte un fragment d'éternité ton corps tout contre mon dos je retiens mon souffle - tu m'uses, mon coeur - tu m'uses terriblement - je tombe de désir et de colère mêlés, je voudrais tranquillement te perdre, t'adorer, te défaire, t'abîmer - et puis tu souris : tu viens ?
|
je suis faible - à l'arrière d'une voiture feux oranges rue de rivoli entre deux finlandaises fondamentalement ivres et qui se castagnent sur le nombre d'étages de la tour de Babel tout va bien je ne pose plus de questions - obscurité liquoreuse des grandes fêtes - journal d'O. - l'ombre des statues découpe la nuit - voilà mademoiselle de merteuil dit un garçon dont je ne me souviens pas avoir jamais fait la connaissance - après - oh dans ma prochaine vie j'aurai des seins comme les tiens me sort vaillamment N - et je ne te complimente pas sur tes amis, et toute drapée de l'orgueil d'une princesse byzantine je te toise de haut en bas quand tu daignes revenir vers moi (deux mille cinq cent ans de désinvolture héréditaire et sept ou huit gin tonic dans le sang) - écoute mon coeur ça ne peut plus durer cette mascarade idiote, je parle en silence dans ma peau, nous sommes
|
beaux nous sommes fiers nous sommes résolument ridicules, tu as tes yeux dangereux des grands jours je verse la gorge d'une façon tout à fait indécente : dansons - et d'un geste un peu ferme je tenais ta nuque très fort entre mes doigts, tu te laissais faire soudain comme une très jeune fille, et t'ai-je seulement poussé le dos contre la masse physique du mur, j'étais là dans tes bras - si fine si fragile dans tes bras si puissante si complète - à la taille le noyau noir de ma colonne vertébrale - dans ma poitrine le gouffre - et toute gorgée de sang - tissus pleins à crever et la lymphe, la nuit, l'artère battante tu la prendras encore entre tes doigts tu l'emporteras très loin oh cette folle obscénité d'exister toute entière glissée rauque dans ta peau cette folle obscénité d'être heureux follement heureux ensemble dans la foule ahurie
|