l'immédiate
journal d'O.

 

oui et sans cesse je cherche l'image. la nuit, dormeuse aux yeux profonds, les parcelles que je remonte du rêve sont un peu comme les bouteilles de rhum du trésor de Rackham Le Rouge : terribles et enivrantes. la nuit les trains déraillent, on peut aimer des garçons et des filles dans l'accident facile d'une montagne déplacée. la nuit les lents oiseaux de Coleridge dorment et dansent sans fatigue sur le mouvement des vagues. la nuit c'est le jour aussi, c'est une façon de parler, une façon d'errance et de désir qui s'attache dans les pas de tous ceux qui accueillent une bête dans leur poitrine. quelque chose sans cesse vibre. quelque chose résonne. les livres qui tiennent sont ceux qui laissent la place à cet appel secret qui se diffuse dans la peau. on écrit moins avec des mots qu'avec des pièges. ici la nuit, ici la fille, là l'animal extraordinaire ou le pétrole bleu vif des puits d'un pays inconnu. si l'écriture contemporaine c'est mettre au papier des histoires psycho-réelles ou des attentes porno-chics pour des arrondissements imperméables alors je préfère biner mon jardin sur un coin de silence. si la nuit est violente, si la fille est secrète, si les pièges tous reliés dans des strates invisibles convoquent en collision à chaque instant du texte l'épuisant désir du monde et son opacité, si des rideaux de nulle part s'agencent et se défont sur le corps couronné et morcelé du rêve alors ce journal même, aussi vain et futile soit-il, quelquefois a un sens. je crois qu'il faut plonger encore et plus profond les mains dans le miroir. je crois qu'il faut extraire le suc et le cambouis des machines du désir. la nuit, le jour, ce que j'appelle le rêve c'est l'étreinte à l'écriture, c'est le sommeil très dense et c'est l'état de veille, c'est quand le corps disponible soudain perçoit la pluie, le soir, l'aile vorace de la rue et la peau déchirée d'une gamine sans relâche bouleversée de se vivre.

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vendredi 8 septembre 2006