l'empire des lumières

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Ophélia © 1999-2007

l'immédiate
journal d'
O.

 

 

jeudi 2 août 2007

l'été sans soleil.

j'écris sur des post-it jaunes, au dos d'une affiche, dans les marges blanches d'un livre parce que mon ordinateur est mort d'un coup et tout est tombé dans l'oubli avec lui. qu'est-ce qui fait ce journal ? des fragments, des montagnes, des désirs foudroyants, immédiats, irrémédiables, tapés la nuit sur un clavier, en secret de la foule, en secret des honneurs, jamais relus, jamais revus, quelque chose qui perdure sur le territoire extérieur de l'internet mais qui en aucun cas ne stagne chez moi, en moi, dans du papier qu'il faudrait autrement transporter en voyage comme un fardeau de souvenirs ou la marque d'une possession, voilà, ce journal s'il continue à exister ça ne sera jamais que par échappées.

 

 

vendredi 3 août 2007

la joie simple d'une nuit bien noire, brillante, à danser tête perdue dans des musiques sans fond. au bar, si fluide et bienheureuse, j'ai pensé appeler M, dire : est-ce que ça va ? des choses banales, idiotes, minimes, des mots arrachés à la couleur d'un endroit branché quelconque et qui ne portent pas à conséquence - cela même je n'ai pas pu. j'ai pensé aux rues sombres, aux cendriers remplis, aux cadres de toutes les fenêtres et aux angles de toutes les pièces qui sans relâche nous déchiraient et jusqu'à ce bord de canal un peu froid, en septembre, avec mon pashmina replié sur mon épaule et je pleurais devant toi dans la foule et puis tu n'as rien dit. j'ai tout aimé de toi, jusqu'aux détails terribles de ta voix sur le souffle ou ta façon de fumer, et les filles disaient que j'étais folle, qu'ensemble nous étions l'inceste, le gouffre ou l'effarement, encore quand j'y repense je me dis que nous n'étions rien d'autre qu'une pure illusion. et qu'importe. j'ai avancé en toi et au-delà. en secret. en silence. à distance. j'ai fait passer les corps, au hasard, sans paroles, sans attaches, ça n'était pas facile mais toujours nécessaire, et je ne crains pas de dire que je suis avant tout une femme faite pour l'amour physique et puissant. un soir, un autre garçon enfin a traversé le champ clos d'une pièce comme toi seul savais le faire, en bougeant tout l'air avec toi, et j'ai ri, j'ai su que la brèche était ouverte à nouveau. tu n'es pas remplaçable. la passion vive non plus. mais il faut que j'avance encore dans les décombres.

 

samedi 4 août 2007

à un moment dans la voiture lancée sur l'autoroute, dans la nuit chaude, l'orage sec, le couvercle oppressant des étoiles très brillantes, assise à ses côtés dans une robe froissée et qui garde le bruit, la sueur, la joie simple et la fumée de cigarette, je crois que j'ai mesuré le gouffre. il me parle de côtes douces et lumineuses dans des matins de méditerranée avec des airs de blues sur un vieux transistor, il est plein de défis, de records, de mers houleuses et blanches d'écume pour faire du surf ou du voilier, j'ai consciencieusement étudié déjà le brun mat de sa peau, les muscles de son dos et ses épaules solides, j'ai noté son extrême gentillesse, un peu maladroite, un peu invasive, tout à fait fraîche et étonnante et telle qu'elle m'effraie légèrement, j'ai fait tout ça pour me distraire mais aussi par habitude, la même sale habitude qui fait cambrer le dos et prendre des airs lointains dès lors qu'un type entre dans la pièce, et puis très vite j'ai été absolument odieuse. P dit : tu aimes comme les garçons, tu prends et tu t'en vas ; je dis : j'aime comme je suis, et ça veut dire aussi que véritablement je ne sais pas. il y a des possibilités parmi tant d'autres : je pourrais m'en aller avec un type comme lui, dormir dans sa voiture, baiser au petit matin, chercher une parfaite plage espagnole ou un village fantôme et vivre la candeur un peu dégoûtante de longues conversations en admirant la nuit cendrée de satellites que l'on prendrait tout aussi bien pour des étoiles filantes, je pourrais vivre cette vacance facile, pour de vrai, avec passion, et puis à l'épuisement du soleil ou du désir physique très certainement prendre un train sans trace ni mot d'excuse. je pourrais. à quoi bon ? je n'ai plus d'innocence au départ, plus d'enthousiasme et plus d'amour, les angles des choses m'écorchent comme de rien, et les mots, et les gestes, et les représentations : toute histoire m'apparait en désastre par avance, d'ailleurs je n'ai jamais su vivre d'histoires d'amour, je n'ai vécu que des romans, des chansons ou des films, lancée à toute allure dans des passions absolues dont je n'ai plus la force ni le courage. comme cette phrase est idiote, monumentale, dans le miroir de mon oeil soudain vide et tremblant : il faudrait pourtant ne plus avoir peur.

 

dimanche 5 août 2007

de toute façon, je préférais le plus jeune. brun, les yeux gris-bleu, silencieux, tout ce que j'aime ! je pensais au beau visage en sueur de Marianne Faithfull dans l'adaptation cinéma très kitsch de "La Motocyclette" de Mandiargues : Darling, am I a nymphomaniac ? puisque toujours c'est ainsi que l'on nomme une femme qui vit son désir. T trouvait que j'étais dure avec le gentil sportif, j'ai dit assez sournoisement je crois que tu l'as bien décrit, et quand on lui demandait ce qu'elle faisait, plantée au bord des banquettes avec son verre de champagne à reluquer sous toutes les coutures chacun des types qui passait elle répondait : eh bien je consulte le catalogue ! elle leur racontait à peu près n'importe quoi sur elle ou ce qu'elle voulait être, c'était facile et tendre comme dans nos seize ans un peu abrupts, à embrasser des types dans des bals de village ou se jeter entières à la renverse dans un champ de regain, car rien ne comblait assez le trou noir qui nous mangeait la peau. à l'époque la règle du jeu était simple et reste sensiblement la même : être fidèle à soi-même, les types après. mais T s'est moquée tout à l'heure quand mon téléphone a sonné et je ne suis pas dupe : l'insouciance, c'est aussi toi et toi seulement qui me l'a rendue. ok. accoudée au bar, T regardait la jeunesse dorée, fausses lunettes rectangulaires et slims suédois, se dandiner en grignotant des bonbons haribo devant un écran géant où planaient des Mirages. de temps en temps un avion explosait en plein vol, sans raison, et ni la musique ni la foule ne s'en interrompaient pour autant. c'est ainsi : nous ne sommes pas immunisés contre la maladie ou la misère, mais nous le sommes maintenant contre la guerre. nous avons traversé la guerre du Golfe avec l'angoisse première du prix du baril de pétrole, les Balkans en feu étaient à nos portes et nous avions les yeux fermés, l'Afghanistan était un leurre, l'Iraq est une quotidienneté de pertes anonymes et ce n'est que le sommet de l'iceberg de l'horreur, tout pareillement nous passe sous la paupière comme de rien, nous allons vers l'aveuglement conscient et désiré, qu'est-ce qui nous touche encore ? fragment de réponse pour tenir bon : l'air chaud sur un parking, la nuit, au sortir d'une boîte sans âme et l'on marche lentement, très lentement, sous l'auréole des érables et la ville maladive, en se tenant les mains, et le jeune garçon brun baisse merveilleusement la couleur de ses yeux quand je lui parle, un peu, très peu, pour ne pas troubler son silence ni l'image parfaite qu'il est et que j'emmènerai avec moi.

 

lundi 6 août 2007

je voudrais mais je ne sais pas parler de la peur ou en tracer les contours. sans hasard, en renfort j'ai retrouvé un morceau d'un poème de l'écrivain slovène Aleš Debeljak tiré d'un recueil si exactement nommé Minutes de la peur :

« […] Pourquoi la peur ? Nous ne connaissons pas la profondeur des lacs finlandais, ni le froid de la taïga sibérienne, ni la carte du désert de Gobi. Nous ne connaissons même pas les contours de tes rêves ni des miens. C'est un fait. Mais toi, comme toujours, tu tends l'oreille dans la nuit tombante, tu craques des allumettes, tu scrutes devant toi, l’homme dont tu épelles sans fin le nom au cœur de la nuit n'est pas encore rentré, tu as faim, dans un coin de chambre un vieillard se balance obstinément sur un fauteuil d’avant en arrière, d’arrière en avant, les touches brillantes d’un saxophone muet réfléchissent ton doux visage, que tu te caches à toi-même et aux autres, dans l’encadrement de la fenêtre les chevaux aux minces queues de soie flottent presque au-dessus de la terre, rôdant, sans suivre de trace aucune, à travers le destin des hommes. Et, l’espace d’un instant, quand le vieillard se penche sur un texte déjà cent fois parcouru, tu vois des cavaliers qui filent à bride abattue à travers champs et forêts, tête penchée et cheveux noirs ondulant dans le vent, sur lesquels jouent les ultimes reflets du soleil qui décline à l'horizon, disparaît, n'est plus. Est-ce pour cette raison que t'échappe l’un des douze vers d'un court poème, d'un douzain qui a tout dit sur le monde, ce qu’il était et ce qu’il sera, est-ce pour cette raison que la pénombre aveugle ton regard et t’empêche de voir toutes les vies en même temps, comme seul peut les voir l'homme dont tu épelles sans fin le nom au cœur de la nuit, l’homme qui est debout, quelque part en rase campagne, seul dans le noir, sur la plaine ? »

Aleš Debeljak, Minute Strahu, traduction d’Andrée Lück-Gaye, Minutes de la peur, éditions Domens, 2001.


j'ai pensé aussi au film Lessons of Darkness de Werner Herzog que Fabrice m'a montré la semaine dernière : images du Golfe abandonné par les Irakiens et que Herzog approche en hélicoptère comme un monde parallèle ou une planète inconnue. c'est un poème austère et merveilleux ces longues plaines du Koweit, noires du pétrole que dégorgent incessamment les pipelines, ces puits d'enfer crachant les flammes et le silence, les tuyaux tordus comme des corps et l'on croirait les signes au soleil d'une civilisation décimée, si folles les usines de béton brut abandonnées comme des bases spatiales dans un désert de mort que traversent d'infinies routes blanches de poussière... j'ai dit et je m'y tiens : je n'ai jamais rien vu de plus beau.

 

mardi 7 août 2007

comme il dort soudainement, avec son bras replié sur l'accoudoir du canapé, et comme il flotte dans le morceau de pluie qui délire aux fenêtres, c'est à tomber tout autour de lui, tomber lentement et le regarder, immobile, statuesque, alors que l'iris gris-bleu qui lui tient lieu de bouclier s'estompe sous la paupière très fine et que ses lèvres palpitent, fraîches et nourries, car le rêve est en lui - je devine, je ne sais pas, je m'affolle, je ne veux rien, surtout ne rien déranger, je regarde le rêve long et languide comme un animal mystérieux qui s'allonge sous sa peau, l'animal amoureux qui délie son poignet, étendu comme en don, sans doute je le saisis, sans possession, absolument, en effraction, et pour une seconde seulement, dans l'absence de lui-même.

 

mercredi 8 août 2007

le coeur du cratère était vert, humide, avec des champs de pouzzolane, des bois noirs, des chevaux - T voulait mon avis sur le grand baie à liste blanche et que je tire sur mon décolleté pour distraire l'attention des autres acheteurs. j'ai dit allons bon, j'aimais l'odeur âcre des boxes, les chiens fous, l'encolure noire du pur-sang ramené du paddock et qui joue dans l'eau froide, à pas frappés. il y avait une chanson du Velvet Underground qui montait, lentement, depuis la vitre entr'ouverte d'une voiture ou bien de l'écurie, dehors sur la prairie diluée de bruine froide un garçon était monté à cru sur un poney, dix-sept ou dix-huit ans c'est pas mal a dit T en clignant de l'oeil, c'est frais, c'est vif, c'est vigoureux, en somme il faut voir ça comme un joli sex-toy ! j'ai ri, j'ai dit : nous ne sommes à chaque instant que de purs objets de désir. l'étalon baie soufflait dans le cou de T et T riait de joie, je n'ai pas dit que toi mon coeur lointain et désinvolte tu sais me regarder comme personne, qu'objet même tu me ranimes aussi, qu'il n'y a pas de limite et qu'il n'y a pas de heurt, que ce corps difficile, trop languide, trop montueux, avec toi reprend sens, qu'avec toi à nouveau - d'en avoir eu si peur - il existe.

 

vendredi 10 août 2007

dans le rêve N me donne les rues de Budapest étranges et miroitantes. je n'aime pas l'eau qui crépite sur les toits, je cherche une chambre, rouge, large, aux rideaux tirés comme des paupières et veinés de fins fils argentés, il dit : c'est à Prague, pas à Budapest qu'est la chambre aux secrets, et puis il dit aussi : c'est à Prague qu'est le pont qu'il te faut. je pense à une nouvelle de Cortázar dont j'ai à peu près tout oublié sauf que l'héroïne s'appelle Alina Reyes et que se jetant d'un pont de l'Est elle disparait du corps d'une femme de Buenos Aires, ou du Rio de la Plata, ou peut être est-ce tout autre chose encore, autre chose qui revient à dire : si je suis là je peux tout autant et dans le même instant être ailleurs, par le rêve, par la nuit, par l'écriture douloureuse ou l'amour physique du corps d'un inconnu, je peux entrer dans des espaces secrets dont je suis moi-même la capitale et la frontière. est-ce qu'Alina Reyes tombait du pont Saint Charles, à Prague, dans un matin de neige brillante ? j'avance dans mon rêve de pluie et de miroirs, un rêve que j'imagine être un symptôme splendide et régulier d'une mélancolie que seule la ville apaise. N est un allié de toujours. je jette des cailloux dans l'embrasure des fenêtres. les impacts des balles dans les murs sont des bouches. l'eau tombe sans fin, lentement, très lentement, je frôle dans l'escalier un garçon que j'ai aimé et que j'ai vécu comme le frère de N, un garçon aux cheveux noirs qui s'en allait très vite, le matin, vidant son trait de café en fumant et insensible déjà, tout entier emporté dans le monde extérieur, à ma peau nue, chaude, déchirée, à mon désir jamais comblé - il claquait la porte, il ne savait pas lui-même les mots qu'il me confiait profond dans son sommeil. tout était beau et difficile. sans doute je lui dois des joies simples, l'approche de l'inaccessible et puis l'image d'un bateau de tôle bleue et de rouille saisi par la vague immobile de la mer d'Aral. la nuit tout me revient. la nuit tout se découvre. les images ressurgissent, de la friction d'un souvenir ou l'espace dénudé d'un désir, un mot en l'air et auquel on s'accroche, le mystère des visages qu'on ne voit jamais pour eux-mêmes. la nuit trois vers de Nezval que tu m'avais donnés : "Monter et descendre des escaliers / Qui ne mènent nulle part / Combien de fois déjà as-tu évoqué ce vertige sans nom ?"

 

lundi 13 août 2007

dans cette pluie battante et le spectre des orages il n'y a qu'une chose à dire : je suis sensiblement en avance sur l'automne.

 

mardi 14 août 2007

mais je m'effondre d'un rien. c'est toi que je préfère, c'est toi qui me manque et c'est toi que je veux maintenant - autant de choses que je ne sais pas dire. tu es venu tranquille et familier, les yeux brillants, et de quoi parlait-on dans ces cafés sordides, ces bords de nuit épuisants de joie simple, physique, irrémédiable, tes amis sur des tabourets hauts et mon front à ta bouche, je ne sais plus, c'est échappé déjà, la pluie froide et facile dans une rue en pente, un soir,  rue d'Alger, l'angle où elle rejoint la rue de Constantine et tu tenais ma main, tous réverbères soudainement éteints, les gens aux fenêtres avec des chandeliers, un jeune type qui beuglait parce que le match n'était pas fini et l'on bougeait doucement, très doucement dans ma ville de Nantes et le théâtre toujours merveilleux de mes souhaits absolus, ce soir-là je savais que tu étais pour moi, le lendemain j'ai fait l'autre, la lointaine, celle qui ne dépasse pas la frontière de sa peau mais c'était parce que tu parlais trop et parce que j'avais peur, de tes comètes, tes pulsars sombres, tes amours que tu veux comme des étoiles distantes et toujours neuves, ton détachement miroir du mien et inquiétant, c'était aussi de ne pas savoir dire : ne promets rien, ne change pas, aime-moi un peu, follement, comme tu voudras mais sans orgueil, prends-moi par choix, par élection, parce que tu me désires sans rémission ou bien va-t-en avec les autres, j'ai tellement peur d'être blessée.

Cold in hand blues

et qu'est-ce que tu vas dire
je dirai seulement quelque chose
et qu'est-ce que tu vas faire
je me cacherai dans le langage
et pourquoi
j'ai peur

Alejandra Pizarnik,
traduction de Silvia Baron Supervielle, éditions Actes Sud, 2005.


mercredi 15 août 2007

je pense à Alfonsina Storni, assise dans l'algue bleue et ondulante d'une vague. je pense au chemin, le long chemin qu'elle a parcouru, du blanc chaud de son lit, un lit de fer ou de femme redevenue seule, un lit sans rêve et sans image, jusqu'à la frontière de la mer, celle qu'on ne passe qu'en contrebande de soi-même. on ne peut pas savoir, personne n'a le droit d'y prétendre : par quelles rues elle a marché au travers de Mar del Plata et si c'était à la façon d'un enfant qui se joue de la brume ou bien d'un animal, aiguisé à l'instinct de son devenir, si sa peau la brûlait, si même la ville immense, bruyante, habitée de désirs l'atteignait dans son choix, si elle allait en fantôme ou en femme libre - personne ne saura jamais rien de ça. elle allait dans la ville et elle allait au bord. les mots, la musique, rien ne suffit assez. je pense à Alfonsina Storni, je pense à Alejandra Pizarnik quand elle ferme l'angoisse dans la capsule d'un somnifère trop puissant et je pense à Sylvia Plath dans sa parfaite cuisine anglaise, au milieu d'une campagne verdoyante, suçotant dans sa bouche les mots d'une autre surpris au téléphone. l'héroïne de Plath s'appelle Esther Greenwood et ça n'est pas avec héroïsme mais bien avec acharnement qu'elle cherche la corde, la drogue, le courant sous-marin au-delà de ses forces. on ne peut pas sans cesse n'être jamais reposée dans le tourment trop vif des morceaux qui nous font. on ne peut pas tenir. je pense à ça de loin : une femme passionnée, fragmentée, et par le monde dans lequel elle vit toujours amenée à chercher en un homme l'absolution de sa souffrance et la légitimité d'exister - c'est un repos en piège, cette cohérence de soi d'être avant tout à un autre - cette femme-là, comment peut-elle tenir bon en elle-même si l'illusion s'effrite ?

je suis comme tant d'autres, j'ai peur de l'abandon, du silence, du mensonge, et plus encore j'ai peur de la difficulté de l'équilibre : pouvoir être soi dans le risque de l'autre, rester pleine s'il vient à refluer.

ce qu'il ne faut pas oublier : Alfonsina Storni s'est tuée tranquillement, doucement, d'un pas assuré dans la vague Atlantique parce qu'à un moment de sa vie le téléphone n'a pas sonné. 

 

Frente al Mar

Vulgaridad, vulgaridad me acosa.
Ah, me han comprado la ciudad y el hombre.
Hazme tener tu cólera sin nombre :
ya me fatiga esta misión de rosa.

¿Ves al vulgar? Ese vulgar me apena,
me falta el aire y donde falta quedo,
quisiera no entender, pero no puedo :
es la vulgaridad que me envenena.

Me empobrecí porque entender abruma,
me empobrecí porque entender sofoca,
¡bendecida la fuerza de la roca!
Yo tengo el corazón como la espuma.

Mar, yo soñaba ser como tú eres,
allá en las tardes que la vida mía
Bajo las horas cálidas se abría.
Ah, yo soñaba ser como tú eres.

Alfonsina Storni (extrait)

 

jeudi 16 août 2007

toute la nuit sur le souffle - tendue, patiente, épuisée. le soir je flâne dans les jardins, lavande et framboisiers, les ongles tachés et qui rentrent si bien dans la chair mûre des fruits. le soir je lis l'avenir sur la ligne des nuages ou les mains tendues des glaïeuls, un milan tourne encore, et encore, sur le rond blanc de la vallée. je le sens dans la peau, les heures changent, je traverse un désert du langage qui est aussi un désert de la peur, l'étrange peur lancinante, et personne ne peut m'y deviner.

 

jeudi 29 août 2007

 

Dictionnaire abrégé du surréalisme (Breton/Eluard) :

Ophélie : "Ces Ophélies et Béatrices florales et molles nous produisent, en nous apparaissant à travers la lumière de leurs cheveux, le même effet de terreur et de répugnance attirante non équivoque que le ventre tendre du papillon entre la lumière de ses ailes" (Salvador Dali).

"Ophélie qui tombe dans un verre d'eau et qui se noie" (Pablo Picasso)



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août 2007