l'immédiate
journal d'O.

 

F retrouvé comme par hasard ; parc floral, jazz, humeur des fleurs flambant de fragrance dans le froid et la pluie. j'aime cette connivence immédiate, cette folle facilité, parce que de si peu se connaître nous vivons tous les deux pour le grand merveilleux. il est jeune, rieur, fait de morceaux d'une autre époque, il marche comme un danseur ou la nuit, il veut l'Inde, l'amour, le départ, il me fait dire le Japon, je lui raconte ce pays d'enfance et que je ne connais pas qui s'appelle le Chili. tous les bateaux sont à nous. toutes les baies au matin, scintillantes légèrement sur une brume froide et collante, quelque chose qui restera dans les mains jusqu'au moment de l'écrire. il faudrait des départs en flèche avec toi, des ponts tourmentés par l'orage, des forêts incessantes et des rivières languides, une table de bois pétrifié au sommet d'une colline toute sèche et craquante dans une nuit de cigales, un lac avec des algues, longues et fines comme des mains, un port blindé de néons et de cargos bleutés sur une rive chinoise, sans relâche. la pluie tombe très fort maintenant. la ville résonne. il allume une cigarette sous la protection d'un grand arbre, je suis pieds nus sur l'herbe et je sens la présence de son corps, fin, vrai, déplié dans le réel, et il me semble soudain être très loin de lui, de plus en plus loin, c'est un sentiment sans fondement parce que tout le temps nous sommes ensemble dans les images que nous aimons, dans les mots et dans la même génération malgré notre légère différence d'âge ou bien est-ce elle qui fait écran ? je m'éloigne à toute allure et jusqu'à le perdre de vue, comme prise dans le flot d'un torrent, dans les rapides étranges d'une rêverie sans amour, debout à ses côtés sous un grand chêne ou un grand marronnier du parc floral alors que la pluie tombe toujours plus fort je sais que je suis farouchement, terriblement seule.

 

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dimanche 8 juillet 2007

photo de Randy Weinstein