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(un journal online)

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mercredi 12 décembre 2001

les mains serrées à s'en perdre

les chaussures accidentées sur le bord du lit. je pense à celui qui, la nuit dans les jardins, serrait si fort mes mains. là-bas dans la maison la fête battait son plein (bouteilles vidées sur le sol, fumée des cigarettes trop fortes, et les cris et la musique et les corps défaits, affalés, offerts au rien), c'était la nuit, dix-sept ans les yeux ouverts, à pleurer, la folie terrible, je me sentais toujours sur le bord des choses, toujours sur le point de tomber. je disais que j'étais folle, que j'étais jeune, qu'un jour je mettrai fin à tout ça très simplement, très doucement, que ça ne me faisait pas peur. et c'était vrai.

là-bas dans la maison la fête battait son plein. je me sentais toujours très seule, même avec lui. là-bas dans la maison la jeunesse dorée du quartier se décomposait en cadence. j'étais toujours là dans ces moments parce que je suis toujours là quand les choses deviennent intenses. après la dernière représentation de théâtre, après la dernière danse, l'élection de la prom queen, l'anniversaire d'un élève populaire, là-bas dans les maisons la fête battait son plein. à un moment c'était toujours trop, la saturation, je traversais la maison comme un fantôme (déjà dans la rue les sirènes des voitures de police), alors il prenait ma main, il fallait courir, courir à travers les pelouses sereines, immaculées (l'impeccable amérique), s'engouffrer dans une voiture, un baiser, rouler jusqu'à plus d'heure, le long des interminables pointillés.

il parlait peu. il avait les yeux trop bleus. il était fils à papa, décapotable rouge et blouson d'école privée. je lui pardonnais. il portait un prénom de petit garçon. il ne ressemblait pas aux autres. il m'avait embrassée la première fois sous les arbres du jardin. il était toujours perdu quand il ne tenait pas mes mains.

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