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(un journal online)

 

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31 décembre 2001

dérapage controlé

je ne voulais pas y aller. trop blanche et trop fragile, la fièvre terrible, je ne voulais pas y aller. j'aurais préféré rester là, quelque part, ou meme peut etre dans mon lit, à lire. je ne me sentais pas d'humeur à rire, à sortir. j'aurais préféré rester dormir. je me suis forcée. j'avais promis. j'ai pris un grand bain, longtemps, profondément, j'ai déambulé dans la maison à la recherche d'une robe, d'un chapeau, quelque chose pour m'égayer moi-meme, pour me sentir bien, à l'aise, joueuse. je devais rejoindre nicky et son ami néo-zélandais à la gare. j'étais en retard. le téléphone a sonné. c'était A. il allait à la meme fete, chez le meme ami, il était en voiture, il venait me chercher, tout venait de se décider très vite, il arrivait, il fallait se dépecher, je me maquillerais dans la voiture, il arrivait, il m'embarquait.
j'ai couru partout dans la maison pour boucler mes affaires. j'ai dévalé les escaliers en entendant la sonnette. il était là. il n'avait pas changé. je lui suis tombée dans les bras. il a dit, bonjour, toujours en retard à ce que je vois. il s'est penché pour m'embrasser, baiser en dérapage controlé.

dans la voiture, coupant à travers la foret. il conduit vite, mais en douceur. il est brun mal coiffé les yeux noirs fils à papa avec cette fausse désinvolture du garçon qui croit tout connaitre de la vie. j'ai les cheveux encore un peu humides un décolleté rond une jupe fendue un parfum trop lourd qui fait tourner la tete. jeunesse dorée, libre, insouciante et bourgeoise, jeunesse bénie, qui file dans la nuit au volant d'une voiture tout sport tout confort. j'ai le vertige, un peu.

plus tard, chez G. des gens, des tas de gens qui parlent trop fort, boivent trop, tiennent leurs verres très haut, et les filles de glousser, et les garçons de s'esclaffer, et moi seule dans la chambre toute seule là-haut allongée - malade. à un moment je ne peux absolument plus respirer, tout le monde s'affole dans le couloir, on m'apporte du thé, de l'eau fraiche, de l'eau de cologne et de la ventoline. je suis prise d'une irrésistible envie de pleurer. je ne saurai dire pourquoi, je ne sais vraiment pas pourquoi, mais je suis comme submergée soudain par ça, une irrésistible envie de pleurer. plus tard, quand la crise est passée et que tout le monde a rejoint sa place pour diner, alors que je reste encore un moment en haut allongée à me reposer, j'entends des pas dans l'escalier, très vite je ferme mes yeux je fais semblant de dormir, je ne veux pas parler je ne veux pas sortir, je veux juste qu'il reste là à coté de moi, à me regarder, qu'il reste là à coté de moi, à se demander ce que l'on a bien pu faire de toutes ces années.

minuit. je vais mieux, je suis redescendue socialiser. je bois un peu de champagne. je danse dans la musique, tete inclinée. je laisse aller. je laisse aller. je ne le vois pas mais je sais qu'il est là. je vais je viens dans la maison je ne sais pas trop ce qu'il se passe mais je sais toujours où il est, ce qu'il fait, à qui il parle, de quoi, et comment. je le sens. ça m'amuse. ça m'amuse de voir que malgré le temps passé, les différentes destinées, malgré tout ça et d'autres choses encore, j'aurai toujours ce premier reflexe, lorsque je sais qu'il est dans une pièce, de le chercher du regard, j'aurais toujours ce premier reflexe de désirer savoir.

l'alcool, la buée sur les fenetres, les corps qui ondulent. j'ai encore de la fièvre, l'impression d'avancer à tatons dans les choses, d'avancer dans du coton, du coton doux et épais et très blanc, - ou rose. tout m'est un peu égal. je suis au diapason d'un chant lointain et qui n'existe plus, d'un chant lointain qui était le tien, le mien, et qui n'est plus. dix-sept ans, les nuits blanches des jeunes amants, dans le secret et la douceur et la douleur de ne pouvoir s'aimer que comme ça, - avec difficulté, comme s'il fallait toujours se surpasser pour etre soi. dix-sept ans, j'avais peur de cet amour fou que tu me donnais, j'avais peur je ne savais pas comment le prendre, l'accepter, j'avais peur alors quelques fois (souvent meme) j'étais méchante, désobligeante, je te traitais en rien quand tu représentais tout, j'avais trop peur de cet amour là, cet amour fou, en meme temps rien ne m'effrayait, j'adorais ces jours et ces nuits de vie volé aux yeux de tous dans le plus grand secret. minuit sonne à la grande horloge. dix-sept ans, nos baisers maladroits, emportés. minuit sonné à la grande horloge, célèbre la nouvelle année. tu te penches vers moi alors que tout le monde se rapproche pour s'embrasser. tu te penches vers moi, il y a ta main dans ma nuque soudain, ta peau contre la mienne soudain, tu te penches vers moi et tout va bien, baiser en dérapage controlé.

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