elle est arrivée très blanche après minuit. je
ne l'attendais pas. elle a gratté à la porte comme un chat. elle a vu mes yeux mouillés
de larmes et mes lèvres tremblantes et sans un mot elle m'a prise dans ses bras. elle m'a
couchée comme une enfant. c'était ce moment de la nuit, très doux et désolant, où
j'avais envie de mourir. elle m'a couchée comme une enfant entre les draps blancs, et
elle s'est couchée tout contre moi, m'entourant de ses bras. toute la nuit, dans la
courbe douce de son corps, j'ai respiré son parfum. un parfum d'ambre et de musc blanc. le vent soufflait à tout rompre dehors. les arbres hurlaient. leurs
branches craquaient comme des voilures. elle a dit : les arbres sont comme des bateaux. je
voulais rester là toujours. je savais sa bouche, je savais ses yeux, je savais sa peau,
je voulais rester là toujours, dans l'indicible chaleur de nos corps enmêlés. elle a
essuyé mes yeux avec sa main. je pleurais sans cesse, j'étais comme une enfant, chaque
instant comme un instant de trop. elle était douce, toujours, comme elle a toujours été
douce avec moi, les mains jointes sous la table au lycée déjà, et le sourire radieux
des longues soirées d'été, sur la terrasse en attendant l'orage des grandes plaines du
kansas, elle riait elle disait que rien ne lui faisait peur, que rien ne devait jamais me
faire peur, elle disait : les rêves s'en vont à la mer comme d'autres s'en vont au
sommeil et moi je serai toujours là. le vent soufflait à tout rompre dehors. sous mes
paupières closes les arbres aux voiles tendues s'en allaient à la mer. sur mes lèvres
les siennes, pâles, roses, comme en rêve, comme avant, comme toujours, pour retenir la
nuit et rallier l'éphémère.
au matin, sur mon oreiller baigné de larmes, elle avait laissé
entrer la lumière.
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