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lundi 21 janvier 2002 lumière douce, diffuse, du soir. je tombe de fatigue. les heures infinies
à accompagner nicky dans les tracas des aéroports, la tristesse de la voir déjà
partir, la tristesse plus grande encore de ne pas savoir quand elle pourra revenir,
l'alcool et les parfums lourds des samedis soirs, les plaines parisiennes et les
autoroutes noires, les nuits blanchies avec Aure (comme au collège, à parler de
garçons, de garçons, de garçons, -mais toujours les mêmes au fond -, descendant les
escaliers sur la pointe des pieds au petit matin blanc pour aller voler quelque chose à
grignoter dans la cuisine) - je tombe de fatigue, et puis aussi, à la sortie du métro
sombre et souffreteux, après une dernière volée d'escaliers qui semble interminable, je
ferme les yeux et je tombe dans ses bras.
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passage jouffroy, je venais enfant musarder dans
les vieux livres, la poussière, les pages jaunies des ouvrages, ma grand-mère achetait
d'interminables bobines de fil et de grandes pièces de tissus qui promettaient déjà de
grands défilés de jupes, robes, petits caracots de princesse, manteaux d'automne, de
printemps ou d'été dans la cour de l'école ou sur les allées des parcs animaliers (et,
avec ce qu'il resterait, la même chose pour mes poupées). tout au fond du passage, non
loin du musée grévin, le tout petit hotel chopin. je faisais la maligne, je disais :
quand je serai grande je viendrai ici avec mes amoureux. on voit la grande sagesse dont je
faisais déjà preuve. des robes, de l'amour, paris tout autour, et roulez carosse faites
place à la princesse. passage verdeau, X m'entraîne dans une petite confiserie de
l'ancien temps, une sorte de bonbonnière bon-enfant au milieu du tout paris changeant, il
y a une petite clochette qui tinte quand on entre, et des avancées étales de fruits
confits, de nougatines et palatines, de pâtes au sucre, de chocolats, de bonhommes en
pâte d'amande et de petits nougats. il m'achète une tablette de chocolat vieux rose, à
l'orange mais qui a le goût de ça, la couleur rose ancien, doux et fondant dans la
bouche, comme ses baisers, ou comme la bonbonnière a le goût de l'enfance, les longues
heures indolentes à rêver du goûter, chez mes grands parents, à envoyer mon
grand-père en éclaireur dans la cuisine pour qu'il revienne en courant me faire un
récit précis et affriolant de toutes les merveilles à venir, les bonbons les gâteaux
les confitures et les fruits au sucre, les petits caramels mous dans du papier doré, les
chocolats fondants, les fraises rouges à la cuiller d'argent, comme ma grand-mère
voulait garder secret les délices du goûter j'envoyais mon grand-père en éclaireur
dans la cuisine sacrée, il trouvait toujours un motif quelconque pour avoir le droit d'y
entrer (une idée à lui soumettre, la soudaine envie d'une tasse de thé), tant de
manigances longuement élaborées pour qu'il puisse seulement prendre le temps de tout
bien regarder, et revenir en courant tout me raconter, avec, souvent, de petits bouts de
bonbons volés qu'il cachait dans ses poches pour me faire goûter. X me demande pourquoi
je ne veux pas manger tout de suite ma belle tablette de chocolat rose. je lui dis : je la
garde pour les jours tristes, les jours d'ennui de toi. plus
tard, au café zéphyr : thé mariage, fondant au chocolat. j'aime le décor un peu
colonial et l'écriture serrée de X sur son petit carnet. j'aime le ciel gris, lourd,
plombé de paris. j'aime la fin d'après-midi et toute la vie avec lui. pour faire la fine
bouche après cette avalanche de confiseries, je dirai : il ne manque qu'un peu de pluie.
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