nous arrivons très tard, presque à la fin du
repas. un restaurant chic, près de l'hôtel de ville. on y fête l'anniversaire d'un ami
d'Aure et surtout de sa mère, sa mère très grande, très belle, ancien modèle, on y
fête disais-je l'anniversaire d'un ami, un indien entouré de femmes en sari, bleu,
jaune, vert, des perles et des diamants, des tissus moirés, des ombrelles, Catherine fait
tourner le monde autour d'elle, je ne comprends rien à ce qu'il se passe si ce n'est que
tout le monde ici est amoureux d'elle. quelqu'un me sert une flute de champagne, un autre
me demande si j'aime la campagne, il y a un type qui possède la moitié du quartier et
qui se fait un métier d'expliquer le pourquoi du comment du nom des rues et des allées,
un autre très chic expose aux yeux de tous les bijoux de sa femme, (sous la table dans sa
main le tissu brillant d'un sari blanc), il a un petit air d'acteur américain, le charme
en moins. quelqu'un me remplit mon verre, me demande si j'ai les yeux verts, je dis non,
très poliment, mais j'adore paris en hiver, Aure m'a pris la main, elle m'entraîne vers
la table où officie sa mère (les yeux baissés, les mains tremblantes des hommes devant
la déesse adorée). j'ai un petit peu mal à la tête, on me donne un verre d'eau avec un
aspirine, une femme vient vers Aure et moi, nous demande si nous sommes cousines, Aure dit
oui, depuis dix ans, parce que j'ai été la seule à lui laisser copier ma dictée quand
elle est arrivée dans ma classe de cm2, qu'elle était nouvelle et toute effrayée,
incapable d'aligner trois mots sur son cahier, Aure dit oui parce que ce jour-là dans la
foule inconnue de la classe j'ai été la seule à l'aider. la femme rit. elle est blonde,
très maquillée, son parfum vient très lourd, très fort, et me renverse, alors qu'elle
nous prend toutes les deux par les hanches et nous emmène danser. plus tard, sur le bord d'une table. il y a un type pendu au décolleté
rond de Catherine qui lui parle de Dieu misécordieux , quelqu'un nous souffle qu'il est
commandant aux RG. - les RG ? demande Aure. - les Renseignements Généraux, souffle
l'autre encore plus bas. - ah, dit Aure, les services téléphoniques ? - oui oui, dis-je,
levant la main vers le serveur pour qu'il lui rapporte une coupe de champagne, il est
commandant à france télécom. la femme blonde (une conseillère d'état ou quelque chose
dans ce goût-là) s'esclaffe et se penche et se pâme, fait de nous ses protégées, ses
mains sur nos poignets, nous parle sans ambiguités de "nos corps de femme". je
redemande une nouvelle coupe de champagne. Aure très innocente qui me serre contre elle
et renchérit : " c'est comme ça depuis toujours, nous sommes bien plus
qu'amies". j'adore. j'en rajoute encore. la femme est très rouge maintenant, elle
sent la sueur et le champagne et le parfum de luxe. alors Catherine se lève, sourit, nous
souffle : "ça suffit".
nous sortons, toutes les trois, dans la nuit noire et rouge de
paris. j'ai un peu froid. je pense à toi.
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