breathing under water...

... living under glass

(un journal online)

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mardi 15 janvier 2002

le soir, dans un café près du luxembourg, je retrouve H. ça tombe plutôt bien, parce qu'elle habite tout près des jardins, en vérité même elle a une chambre dans la maison du conservateur du luxembourg et du sénat (un jardinier qui gagne autant qu'un sénateur), ça tombe plutôt bien aussi parce que H est triste, et que ce café est un peu magique, il a semblerait-il comme une action curative, roborative (la bonhommie des serveurs peut être, ou le seul fait que ce soit un des bastions de X, ou même encore parce que c'est sans doute le seul café parisien où une petite fille qui s'appelle Manon vous offre des dessins de fantôme bizarre quand vous êtes triste), bref, le soir, j'emmène H un peu triste dans un café magique près du luxembourg, et les choses sont plutôt bien.

assis à la table voisine, un garçon et une fille se mangent des yeux. le type, très beau mais peu sûr de lui (il se cache derrière une grande frange de rêveur), fume cigarette sur cigarette pour se donner une contenance. la fille est brune, elle ressemble un peu à une poupée. je la vois tordre ses mains sous la table, déchirer le petit carré de papier de la serviette blanche en des milliers de petits carrés qui tombent à ses pieds. c'est sans doute leur premier rendez-vous. H qui n'arrête pas de changer de place s'est finalement assise près de moi, sur la banquette. elle joue avec mon écharpe. je pense : la première fois que j'ai rencontré H, c'était septembre au lycée, peut être même le jour de la rentrée, nous nous sommes vues dans la petite cour intérieure, nos regards se sont croisés en même temps, dans la petite cour intérieure, c'était le matin je crois, il faisait sombre encore et les petites lanternes vénitiennes étaient toutes allumées. nos regards seuls se sont croisés, très vite, le temps de tout dire, et pourtant, pourtant c'étaient nos corps entiers qui parlaient.

pendant longtemps je n'ai pas pu lui adresser la parole. j'étais fascinée par ce corps long et souple, yeux bleus cheveux noirs, ce corps long et souple et qui habitait l'espace comme les lumières dans la cour sombre, ce corps très vivant, très voluptueux, ce corps qui rappelait et appelait le mien. tout le monde la détestait dans la classe. je crois que tout le monde en avait peur. moi aussi, mais pas vraiment pour les mêmes raisons. tout le monde en avait peur, parce qu'elle semblait n'avoir peur de rien. tout le monde disait du mal d'elle, et moi je ne disais rien. nous étions du même clan. depuis le premier jour je le savais, nous étions du même clan. nous étions faites pour aller dans la vie avec la même force et la même faiblesse, le corps brûlant dans un seul et même élan.

le garçon et la poupée de la table d'à côté sont en train de s'embrasser. penchés par dessus la table, d'une manière trop appuyée, un peu maladroitement. juste après la fille se retourne vers nous, demande un stylo ou quelque chose. visage radieux, yeux brillants. je dis à H : c'était bien leur premier rendez-vous.

H prend des notes. un projet que nous avons depuis longtemps : écrire une sorte d'esthétique de la rencontre. je lui raconte mon rêve du 12 décembre, où je me suis subitement souvenue de ma première rencontre avec Th, sa main dans la mienne au hasard de la nuit. H est très enthousiaste, très belle. elle porte un pull très blanc sans soutien-gorge et c'est très troublant. je pense à X.
X qui ne comprend pas comment on peut ne pas aimer les filles, et moi non plus.

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