breathing under water...

... living under glass

(un journal online)

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mardi 29 janvier 2002

toutes les filles passent des heures dans la salle de bain. peu pensent au suicide lorsqu'elles doivent déboucher la baignoire.

la soeur de L, qui travaille au Ritz, vient boire le thé. elle parle avec enthousiasme des riches américains qui lui doublent son salaire en pourboire, de ce monsieur japonais qui la semaine dernière encore, pour s'excuser d'avoir renversé une bouteille sur la table, lui a glissé dans la poche une somme du même montant que l'addition (cash). je l'écoute distraitement. et puis elle parle des futurs "millionnaires", tous ces joueurs au ticket gagnant qui, la veille de l'émission de télévision où ils pourront enfin faire tourner la roue de la fortune sur TF1, sont logés dans tous les grands hôtels parisiens. "des provinciaux", dit-elle avec dédain, "ils n'ont aucun goût pour les vins, aucune tenue à table, aucune connaissance de la bienséance la plus commune, la preuve tiens, l'autre jour le type a mangé sa terrine de canard avec la fourchette à poisson."

on est ce qu'on peut. S revient du restaurant japonais avec son petit ami (un élève-ingénieur en informatique fan de manga qui croit trouver l'exotisme oriental dans les usines à sushi qui ont envahi la rue monsieur le prince). elle me raconte qu'il y avait un type louche pas très loin, un yakuza sans aucun doute.
- ah bon, un vrai ?
- oui oui, me dit-elle, pantalon noir, chemise à motif en damier, cheveux gominés, chaussures cirées, une allure de chat... la classe, quoi.
- ah oui, dis-je pas vraiment convaincue, et il était beau ?
elle se penche vers moi pour que Y n'entende pas :
- très. il était très très beau. je l'ai mangé des yeux tout le long du repas.
- et bien voilà ! dis-je avec triomphe, c'était un vrai alors.

je lis sylvie à la poste. c'est un tout petit livre de la collection mille et une nuit avec une très jolie couverture (deux filles nues dans un dégradé de bleu). je suis rue des francs-bourgeois dans le marais, personne n'est choqué (je dirai même - ça passe comme une lettre blablabla). plus tard, j'achète des tas de vêtements de grand-mère. je veux dire, une jupe de petite fille modèle en laine bleue, un gilet tricoté qui s'attache devant par une grosse aiguille à nourrice, une autre jupe marron claire genre après-guerre, des tas de caracots, de trucs avec des bords en guipure, bref, le genre de vêtements que mes grand-mères portaient à vingt ans. X dit que j'ai un corps des années quarante. on dira que tout vient de là, de ce corps hors du temps qui demande des tissus épais, doux, voluptueux à porter, des jupes aux genoux, de la soie, des rubans. yves saint laurent dans ce gros livre rose sorti récemment écrit noir sur blanc : quand on se sent bien dans un vêtement, tout peut arriver. un bon vêtement, c'est un passeport pour le bonheur. plus tard, L rentre, je lui dis que je n'ai pas réussi à déboucher la baignoire, que j'ai voulu ouvrir la bouteille de destop mais qu'en lisant la notice j'ai vu que c'était plein de soude caustique, alors j'ai pensé à madame bovary, tout le passage terrible de son agonie, j'en ai eu le coeur retourné, c'était terrible, c'est tellement facile de se suicider, madame bovary le remake buvant du destop dans sa salle de bain, le liquide gluant dans la gorge et les vomissements de sang, les lèvres serrées, les membres crispés, le corps couvert de taches brunes, et le pouls qui glisse sous les doigts comme un fil tendu, comme une corde de harpe près de se rompre, bref, non tu ne peux pas prendre de bain maintenant la baignoire est encore bouchée.

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