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lundi 28 janvier 2002

tu donnerais de l'amour à un mort... (flaubert)

paris, un ciel pâle et froid sur les toits gris, la foule qui va comme une grande vague, depuis le pont des arts la seine étale sa longue main froide, les taxis vont et viennent et s'alignent le long de la rue de rivoli. une dame ouvre son parapluie pour traverser la rue. moi je joue à la marelle sur les bandes blanches des passages piétons, quand je descends le boulevard saint germain j'ai l'impression de glisser tout le long de ton cou jusqu'à tes reins. il y a comme un parfum de pluie dans l'air, une légère bruine qui ne se décide pas à tomber, et, charmée, je ne me décide pas à rentrer.

paris, s'échapper de ton lit dans la rue froide. j'emporte avec moi dans les souffles du métro les traces de ton parfum et le goût de ta peau.
paris, à nouveau. dans le refuge de ton lit, tu dors encore. éternel enfant que l'on borde en partant. dehors, le soleil doux. je rentre tout doucement chez moi dans le petit matin.

 

entrer, refermer la porte derrière soi. je dépose les clés dans la petite assiette de porcelaine. le manteau jeté sur le lit, et le foulard, l'écharpe noire, les chaussures accidentés sur le côté. de son côté de la ville, est-il déjà levé ? a-t-il ouvert les rideaux, jeté un oeil sur la rue, la lumière ? je fais bouillir l'eau pour le thé. bergamote, sucre (un demi). non, il dort encore. il va se lever tout à l'heure, faire couler l'eau du bain, noyer les derniers restes de la nuit que l'on croyait sans fin. je mangerai bien un oeuf à la coque. il est dix heures. il s'habille, il parle tout seul j'en suis certaine. il va il vient pieds nus sur le carrelage, il ouvre des livres et les referme. je descends chercher le courrier. il est assis à sa table devant la fenêtre maintenant. il déjeune tranquillement. il allume son ordinateur, ouvre son cahier. il écrit. il y a trois lettres dans la boîte, je reconnais l'écriture aussitôt. je les lis très vite, avec bonheur, dans l'ascenseur.

paris, l'après-midi. j'achète des livres, des fleurs, du thé. L me manque, et ses belles mains blanches. j'écoute disque sur disque pour combler son absence. je pense à X, de son côté de la ville, toujours trop loin. je remplis page sur page pour tromper le désir, l'indolence. j'attends jusqu'à la dernière minute, la dernière force, le dernier souffle de la nuit pour me glisser dans le silence sage de mon lit.

tu donnerais de l'amour à un mort. comment veux-tu que je ne t'aime pas? tu as un pouvoir d'attraction à faire dresser les pierres à ta voix. tes lettres me remuent jusqu'aux entrailles. n'aie donc pas peur que je t'oublie ! tu sais bien qu'on ne quitte pas les natures comme la tienne, les natures émues, émouvantes, profondes. je m'en veux, je m'en voudrais de t'avoir fait peine...
(flaubert à louise colet, 11 août 1846)

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