breathing under water...

... living under glass

(un journal online)

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dimanche 27 janvier 2002

futile et volatile comme un parfum de femme

au petit matin, vent fou, musique de la Wally (Diva), nuit blanche (Huysmans), ciel rouge dans l'encadrement sombre de la fenêtre. je m'endors.

le soir, au téléphone, S me raconte que son petit ami est passé la prendre à l'improviste, samedi soir, qu'elle était maquillée à la Cléopâtre, ses grands yeux bleus cernés de noir, du khôl partout sur les paupières (ce khôl très épais que je lui ai ramené du Maroc), elle me raconte la tête qu'il a fait en la trouvant fardée comme une princesse, robe noire fendue et chaussures à talons, dans les parfums lourds du bain et la musique très forte du soir, très belle et apprêtée, comme sur le point de sortir en pleine nuit pour un rendez-vous secret. le type s'est énervé, il était très jaloux, il s'est inventé des histoires incroyables. S est très en colère au téléphone : "non mais, c'est bien les garçons ça, pas moyen de se plaire un peu, ils s'imaginent que l'on ne doit se faire belles que pour eux."

je vais je viens dans la maison chaude. j'écoute lou reed and the velvet underground. dans mes placards je retrouve : des barrettes en forme de petits crocodiles, une poignée de michokos, un vieux vinyl d'émilie jolie. X téléphone et je ne réponds pas. je me dis : la vie c'est facile, c'est j'aime, ou j'aime pas. je prends un bain, je lave mes cheveux, je les tresse en partant du plus haut possible, en "natte indienne" comme quand j'étais petite, c'est un peu difficile à faire seule, pour bien voir ce que je fais je passe une heure à inventer un dispositif de glaces, j'en place une sur le côté, une dans le dos et une de face, lorsqu'enfin j'ai fini mon installation je passe encore une heure à tresser mes cheveux, lorgnant sur le côté pour voir mes mains jusqu'à m'abîmer les yeux, louchant désespérement pour que la chose ait une allure correcte, ouf, c'est bon, c'est mieux, une heure plus tard je suis encore en kimono à vagabonder dans la maison, j'essaie les rouges à lèvres de maman, lui emprunte un pull et des collants, dans ma chambre allongée sur mon lit je lis Baudelaire, Huysmans, Marceline Desbordes-Valmore, il y a ce très joli poème de Marceline Desbordes-Valmore qui me touche beaucoup intitulé les séparés, comme je l'aime vraiment beaucoup je descends voir Mel pour le lui réciter, elle m'écoute consciencieusement et elle me dit d'un air très sévère : mais c'est une chanson de julien clerc. je m'en vais un peu dépitée. il y a des traces de pattes de chat sur mon lit et lou reed chante toujours coney island baby. je lis Borges, une nouvelle sur l'Autre, le double, le doppelgänger de Poe, que Stevenson appelle aussi the wraith of living. j'ai envie d'appeller X pour lui dire ça, ah oui au fait sais-tu que la forme anglaise du doppelgänger est le wraith of living ? j'ai aussi envie de lui parler de la traduction de l'incipit de Lolita, parce que je ne comprends pas que le traducteur français se soit senti empli du besoin divin de traduire l'intertexte, je veux dire, la référence à Poe dans "the seraphs, the misinformed, simple, noble-winged seraphs" en traduisant "les séraphins de Poe", ça me tue ça, quoi, je me demande si Nabokov avait revu cette traduction de Lolita. je suis fatiguée. S téléphone et je lui dis "écoute c'est fou comme la journée passe vite, il est six heures du soir et je ne suis toujours pas habillée".

dans une pochette très vite le strict minimum : huysmans (à rebours), un rouge à lèvres agnès b rose transparent, vernis à ongles assorti, lunettes, confiture myrtille-fraise. je la glisse sous mon bras et file prendre le dernier métro jusqu'à toi.

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