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il faudrait que j'aille acheter des fleurs. que
je remplisse la maison d'autres couleurs. je sais bien que tu n'aimes
pas les fleurs coupées. elles étaient toutes en pots, tes
belles orchidées. elles tournaient toutes leurs yeux vers la fenêtre,
elles tournaient comme des folles, elles me donnaient mal à la
tête. la nuit, je le sais bien, elles sortaient de leurs pots de
terre avec leurs longues racines traînant par terre, et elles allaient
danser, peut être, dans la douceur, la tristesse infinie de la nuit,
les éphémères lunaires. tiens, il paraît que
le mot éphémérité n'existe pas. c'est Mme
A qui l'a noté en rouge souverain sur la copie de L l'autre jour.
"ce mot n'existe pas". comment ça, il n'existe pas ?
pardonnez-moi madame la prof de français de khâgne réputée,
mais tous les mots existent, c'est bien connu. éphémérité,
par exemple. c'est un mot terrible, profond, et infini à sa manière.
c'est un mot qui tremble dans le vent et remonte comme l'écume
blanche des vagues au dessus du langage, pour un moment. éphémérité,
c'est le nom d'un parfum (croisé au coin d'une rue, en courant),
c'est le nom d'un moment (les yeux ouverts sur le rouge d'un instant,
la saveur du temps), c'est le nom d'une émotion, d'un sentiment,
c'est le nom de toute une vie, d'une inscription dans le temps. éphémérité,
c'est le second prénom de chaque chose, chaque être, c'est
l'implacable beauté des mathématiques, la superbe humilité.
tous les mots existent, qui ont leur signification dans le langage de
soi, du temps. sans blague.
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