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... living under glass

(un journal online)

 

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13-10-01, bis

et cendrillon aura retrouvé ses chaussons de vair

mes cheveux grand marnier qui tombent en mèches sur le carrelage blanc. on ne dira pas que ça ne fait pas un drôle d'effet. toujours l'impression que c'est en eux que réside à elle seule la moitié de mon identité. n'est pas princesse qui veut. à la sortie, je partage mes viennoiseries avec un jeune homme triste. il a les yeux verts. il me dit qu'il vient de bosnie, qu'il n'a nulle part où aller. il parle très doucement. il sait bien qu'il ne pourra pas mendier éternellement. je me sens tellement idiote, avec mon brushing parfait et mes considérations esthétiques sur tout. en même temps, je n'ai jamais été aveugle à ça. j'ai toujours eu conscience de ma chance. ça me rend tellement amère parfois. et tellement tendre dessous. la plaie merveilleuse, c'est aussi ça, ce fossé entre l'idéal fantasmé et l'affreuse réalité.

la petite femme entre, dépose son manteau au vestiaire. c'est une habituée, elle connaît. ça va bien madame X ? ça va bien, ma fille et son mari arrivent demain, avec le petit, qui est né le mois dernier... elle passe les deux bras dans la blouse, s'assoit, penche la tête. un peu plus en arrière, merci. émail blanc, dur, froid. et puis le jet d'eau. chaud. très chaud. vous avez une petite mine tout de même ! oh, c'est mon mari, toujours ronchon vous savez bien, et puis il ne pense vraiment qu'à lui ces temps-ci... elle parle. elle parle encore. le bruit de l'eau qui coule couvre ses paroles, les entraîne dans le siphon. glougloutements. écoulements. allez, mettez vous à l'aise, venez donc par ici. un autre fauteuil, en face d'une glace. son visage, trop pâle, traits trop tirés. la fatigue. les cris. l'ennui. je sais bien que je devrais faire des efforts aussi. quand il s'énerve je m'énerve encore plus. c'est dur. c'est idiot. je n'aurais pas du le menacer comme ça hier soir. pas du. cliquètements, bruits de mains qui s'affairent. brouhaha alentour, doux, long, un cocon. c'est mignon, ces décorations pour halloween ! oui, ça met de la gaieté. c'est une tradition nouvelle en france, n'est-ce pas, on a piqué ça aux américains je crois. oh oui, mais tout est commercial, malheureusement, aujourd'hui. toujours ce bruit, diffus, de plus en plus diffus, et qui rassure. ces mains qui dansent autour de sa tête. on s'occupe d'elle. on la rend belle. la glace reprend des couleurs. elle secoue la tête. elle s'excusera, ce soir, c'est promis. il ne lui en voudra pas. la pensée de passer le weekend comme prévu la réchauffe à nouveau. elle se lève. se regarde dans la glace, encore. elle a l'air plus jeune, moins triste. c'est le brushing, vous savez, le volume. elle hoche la tête. oui oui. en effet. oh, faire des crêpes pour manger en famille, demain soir, voilà qui serait une bonne idée. penser à acheter du lait en sortant. elle secoue la tête de bonheur, sourit. on lui retire la longue blouse bleue. elle reprend son manteau, sort un chéquier de son sac, en faisant tinter ses bracelets. ça fait du bien de vous voir, dites donc, de parler un peu. on prend rendez-vous pour une nouvelle couleur le mois prochain ? mon fils cadet se marie.

elle gigote de plaisir en parlant à la coiffeuse maintenant. et puis elle me voit. s'approche, se penche vers moi, me dit avec entrain, j'avais les cheveux longs comme vous quand j'étais jeune, ne les coupez donc pas ou vous finirez vieille comme moi ! elle laisse éclater son rire, à peine remis, mais tellement tendre. je la regarde, doucement, et lui rend son sourire.

...

acheté des livres. les confessions d'un masque (mishima), pierre ou les ambiguités (melville). encore sur le fond de la rétine l'herbe très verte des aubes très blanches de Pola X. j'écoute Placebo, je pense à A qui a laissé des tas de messages sur mon répondeur, et que, étonnament, je n'ai pas rappelé. est-ce que l'on s'aime mieux de loin ? je n'ai pas envie de répondre à ça. je me dis que lorsqu'on lira mon journal à la plus pure, la plus exigente des lumières, on aura l'impression que cendrillon a retrouvé ses chaussons de vair.

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