oh, je ne suis pas vraiment triste. je
m'ennuie de lui, c'est tout. je vais je viens toujours mais je ne vis qu'à moitié.
voilà. il se passe des tas de choses dans ma vie que je ne perçois qu'à peine, de très
loin, comme s'il me manquait une clé pour tout déchiffrer, comme si... jours blancs,
infinis. il va y avoir ce jour où je vais monter dans un avion vers lui. il va y avoir
noël et les lumières fantastiques de ma maison d'enfance, ma maison américaine. il va y
avoir tout cela, d'un coup, la bouche à la source tant manquée, et le coeur libéré... et en attendant ? l'ersatz des jours heureux. oh, on exagère là,
mademoiselle O, vous n'avez pas vraiment de raisons de vous plaindre. c'est vrai. c'est
terriblement vrai. justement, je m'en veux tellement d'être un peu lasse et lointaine
quand le monde entier est à mes pieds. mais je me fiche que le monde entier vienne à
moi, tu sais, quand tout ce que je veux, c'est que tu reviennes, toi.
(assez maintenant, les mots font mal et j'ai trop parlé.
juste se taire, dormir, se réveiller blanchie par l'aube, autre, éternellement autre de
jour en jour, mais qui garde en elle pourtant et très éternellement ce même désir,
cette même folie vers la vie, ce même incroyable amour)
avant - journal
- après - écrire
c'est là, tout au fond du creuset humain, en cette
région paradoxale où la fusion de deux êtres qui se sont réellement choisis restitue
à toutes choses les couleurs perdues du temps des anciens soleils, où pourtant aussi la
solitude fait rage par une de ces fantaisies de la nature qui, autour des cratères de
l'alaska, veut que la neige demeure sous la cendre, c'est là qu'il y a des années j'ai
demandé qu'on allât chercher la beauté nouvelle, la beauté "envisagée
exclusivement à des fins passionnelles".
- andré breton : l'amour fou -
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