breathing under water...
... living under glass

(un journal online)

 

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16-09-01

mise à jour

je mets à jour. je rouvre les volets fermés, laisse s'échapper l'air vicié, - et la lumière entre à flots. mise à jour. mise en lumière. fait briller dans l'air les pensées poussière du passé... (un ange passe)

fragilité du monde. une gouttelette d'eau en suspension sur la rainure d'une feuille très verte. jamais perdu ça de vue. jamais perdu l'éphémérité, la folie furie du monde. breathing under water, living under glass... la fragilité d'une ménagerie de verre.

mise à jour. la poussière s'estompe doucement.

le monde en état de choc. images terribles d'un peuple défait (fantasme brisé de la toute-puissance), images terribles d'un peuple en joie (jouissance atteinte d'une pensée pré-formée). images, images, gavage d'images. à vomir.

nous sommes tous américains, nous sommes tous new yorkais, hurle-t-on.
je ne suis pas américaine. je ne suis pas new yorkaise. j'ai été choquée comme tous par le drame, la mort et la peur, j'ai pleuré comme jamais devant les tours abolies, et dieu (?) sait que j'ai les liens affectifs les plus forts avec ce pays, avec les gens de ce pays, parce que j'y ai vécu des jours merveilleux, parce que j'y ai rencontré des gens extraordinaires, mais ce soir alors que l'on se gargarise de nos trois petites minutes de silence, je ne suis pas américaine, je ne suis pas new yorkaise. je crache sur la politique américaine et leur manichéisme facile, leur président idiot, digne représentant de la Morale, de la Bêtise des Puissants, je crache sur les relations entendues entre les états-unis et les pays du proche-orient qu'ils prostituent, et j'en pleure aussi, j'en pleure comme une enfant parce que ce monde est absurde, absurde.

anything to add ?

peut être la lettre d'un grand-père.

...

il va bien. les cours ont été suspendus, il subit la peur et les couvre-feux, mais il va bien. j'ai tellement envie de partir, de partir le rejoindre, de lui dire, plus jamais, plus jamais je ne te laisserai aller seul, tu vois ce qui arrive quand tu n'es pas là ? le monde s'écroule et moi avec. il n'y a qu'avec toi que je vais, je viens, je vole, je vis. il n'y a qu'avec toi, il n'y a que lorsque tu es là que le monde prend du sens, que les choses gardent leur lumière intérieure. il faut que tu reviennes, que tu reviennes et que tu restes pour toujours. sans ça je ne suis rien, je voudrais juste dormir, pour oublier l'absurdité, me lover dans l'oubli d'une vie volée.

croquer dans des poires, le jus jaune qui dégouline. hier j'ai fait un gâteau roulé, je me suis trompée de papier sulfurisé, toute la cuisine s'est emplie d'une épaisse fumée noire, j'avais les yeux qui piquaient à en pleurer. la nuit, j'avais rêvé d'un concert somptueux, une musique de cathédrale, et les bombes qui tombaient au dehors. mais ça n'était pas le chant des walkyries. qu'importe. je prends des bains très chauds et la mousse déborde, je croque dans de gros grains de raisin et je lis d.h lawrence : lady chatterley's lover. suite logique après katherine mansfield, le sensualisme anglais à l'extrême. j'ai relu mes journaux intimes américains, j'ai eu le coeur serré, et puis grandi par le bonheur d'avoir vécu tout ça, là-bas, et si fort. j'ai pensé à mes parents d'accueil, au fantastique rire de Mom. j'avais encore dans la bouche le goût de ses petits pains indiens, dorés commes des soleils. et puis j'ai pensé à toi, je crois bien que j'ai souri, souri de te savoir vivant, et puis j'ai touché tes mains dans le vide, et volé un baiser au néant.

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il avait eu le temps de rire aux assassins
le temps de courir vers la femme
il avait eu le temps de vivre...

- boris vian -