l'immédiate

journal d'O.

jeudi 31 octobre 2002

dans la rue, l'improbable défilé des enfants déguisés en fantômes. je me souviens de l'été indien. les arbres rouges et bruns et qui brûlaient dans la lumière. il faudrait pouvoir dire les couleurs, quand elles ne font jamais que vous entrer dans les yeux. la nuit tombe vite et dans la foule pressée du soir je pense à A, les voitures qui filaient, les grandes autoroutes noires, deux ans après et le plus naturellement du monde il était venu me chercher chez moi pour m'emmener. quand je dis à L : je crois que j'ai aimé A, elle s'étouffe et s'exclame : mais tu es si secrète ! je pense, au moment où mes parents me laissaient partir seule aux états-unis plus encore que dans un autre pays ils me laissaient partir dans une autre langue, ça veut dire : une autre vie. et tout coule autour de moi toujours, la foule et la lumière, et j'aime le flot incessant de la ville, son murmure dans la pierre, quand je chine dans les livres ma soeur vient poser son front blanc contre mon épaule en silence. je la protège de la main. je pense : les choses les plus simples sont les seules choses que je voudrais jamais vous dire. vous êtes loin. vous me manquez. comme un fantôme j'erre au cinquième étage d'un grand magasin vide où ne résonnent jamais que mes pas sur le carrelage glacé et puis comme une mauvaise musique d'ascenseur, les mannequins sur mon passage on dirait tournent la tête en noir et blanc comme dans un épisode de la quatrième dimension, je ferme les yeux et puis je vous téléphone, merveilleuse et ridicule d'amour, entre deux sapins de noël en plastique.

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