l'immédiate
journal d'O. |
mardi 3 septembre 2002 ça pourrait être la fin du journal. ça pourrait s'arrêter ici, au pied du mur de la fiction. ça pourrait. ça pourrait mourir d'amour ou bien de renoncement. je m'en fous. je m'en fous royalement. moi je m'en vais dans les chemins avec mes mules rouges et noires qui claquent et qui laissent des trous bien marqués dans la boue, je m'en vais aux premières gouttes de pluie avec ma jupe bien droite, mes cheveux acajou, cueillir des mûres sur le bord des parapets, les futaies vertes, le chien blanc court partout et aboie, les lézards s'enfuient en bruissant dans le dernier soleil, le soleil rouge et qui se découpe en carte postale sur le château médiéval de la ville de D..., et je voudrais vous téléphoner, juste comme ça, pour vous donner ma voix, cette part de moi à cet instant-là, cette part heureuse, idiote, chantante dans les sous-bois, je crois que ça peut bien être la fin de tout je m'en fous, du haut de la montagne le soir il faut tomber dans la lumière comme dans un accident, et tout brûle et puis je brûle avec, je suis grisée d'un seul souffle de vent, du haut de la vie peut-être aussi il faut tomber comme ça, tomber en avant tout le temps, dans la lumière du soir ou les bras d'un amant. |
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