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l'immédiate
journal d'O. |
dimanche 6 avril 2003 à l'arrivée en gare ce sont les lumières blanches et blafardes qui m'ont pris l'oeil d'abord. une lumière de lampadaire absent, une lumière à attendre quelqu'un, toute la nuit s'il le faut, assis sur un talus, quelqu'un qui viendrait par le train, ou pas, justement. lumière lunaire sur les parkings déserts. ta silhouette est partout. elle effleure l'ombre froide des eaux mortes dans les fossés. à dix-sept ans je criais pour creuser plus encore la vie aux angles et puis ma propre chair à mon corps. le vide enivrant de l'absence. je criais pour m'épuiser à la vie. lumière crue des ampoules blanches, soleil comme en plein jour. ils sont en moi pour toujours, l'homme à venir et la douce folie qui rogne à l'absolu. ils ont les mêmes yeux, le même corps infini. chaque ville que j'aime est mienne. je règle le temps à ma foulée. j'ai des souvenirs, j'ai des passés partout. pas d'autres attaches que celles de mon langage, tes mains à mes hanches serrées comme des arceaux. les amants de la nuit, couchés dans mon sommeil, dériveront encore longtemps à mon corps d'algue dans le courant. je pars avec la mer. la dissolution du mot et du temps. chaque ville nouvelle est un visage qui m'attend. chaque ville m'engouffre dans l'instant. je veux le point de chute, mesurer la rupture, contempler l'épuisement. |