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l'immédiate
journal d'O. |
samedi 5 avril 2003 et le train, tout doucement, a filé le long des prés et des forêts. un homme s'endormait avec sa joue toute aplatie contre la vitre, une joue d'animal étrange. la lumière s'en allait. les prés étaient noyés de brume comme en hiver. il faisait froid. je regardais à contre-jour la silhouette de la grande dame à demi-voilée penchée vers son enfant. la petite dormait dans ses bras et tout son corps se fondait à celui de sa mère. long ballottement du train et puis la vie folle qui défile. les gravillons sales sur le bord noir des rails. la pluie. la fin de l'hiver. une mélancolie douce qui est aussi celle de ceux que tout touche, tout absorbe. l'ombre crénelée des arbres. la rivière par bouillons, des bouillons comme des yeux, des yeux qui vous regardent. là derrière la fenêtre un peu sale et dont on essuie la buée du coin de la manche il y a toujours une cahute de bouts de bois où loger son enfance. toujours marchant le long des voies un homme seul qui nous rappelle à nous, à nos propres errances. les mots viennent par chansons, les mots viennent de cet endroit de moi qui est d'abord celui du rêve, celui de l'abandon ; je cherche le moment du langage où je ne m'appartiens plus. |