l'immédiate
journal d'O.

 

 

Ariane

03.12.03

votre regard triste au hasard des aéroports, abattu et souverain dans votre infinie mélancolie, vous cherchiez un repos, j'ai tendu mes deux mains. c'est inscrit dans ma peau comme dans un parchemin - l'homme étranger, inconnu, donné au désarroi, je le prends à mes bras. Ariane à nouveau le temps d'un vol long courrier, d'un pays, d'un amour, je dévide tout mon corps comme un fil à votre vie, vous le suivez les yeux clos. vous pouvez descendre doucement plus loin et plus profond, aux sources de votre tristesse ou à celles de vos peurs, votre désir, vos angoisses, les insectes qui se cachent sous les grosses pierres des chemins, dans l'enfance, les étés oubliés qui ressurgissent soudain : c'est un pacte, sans un mot, un fil brillant, invisible tissé entre les arbres, entre les nuits, tendu à résonner comme une corde au vent, toute la lyre d'Orphée mêlée dans le même chant. dans la foule folle et sourde, dans les mille langues d'ailleurs et de Babel encore vous pouvez tout avouer - le pire, le meilleur - je garderai vos secrets comme une mère, une soeur, un animal, une tombe d'amour au fond du labyrinthe avec la bouche bien close, au fond loin dans mon coeur avec vos caresses tendres, Thésée comme vous ce soir sur son passage grattait les murs de tous ses ongles, c'était de longues traces rouges qui venaient en écho du fil et de ses peurs, ces longues traces de vos secrets je les garde dans ma peau. à l'aube, terminal B, vous retrouverez votre vie, vos amis, vos aimés, vous me laisserez sans un mot endormie et rêvant dans une chambre d'hôtel, dans une salle d'attente, comme Ariane à Naxos - qu'est-ce que ça peut bien faire - il est mort pour toujours l'animal monstrueux qui vous rongeait le coeur de ses passions violentes, il y en aura d'autres bien sûr des fruits de vos névroses - des Charybde et Scylla qui vous pressent dans leurs pièges, des Hydre ou des Gorgone en veux-tu en voilà, et puis pour chacun d'eux un hasard comme divin, un livre dans une poche où trouver des soldats, un sourire, un parfum, la parole rassurante et filante dans la nuit d'une femme qui tend ses mains.

 

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