l'immédiate

journal d'O.

rouge et or pour l'été

 

mardi 15 juillet 2003

on communique par signes, par dessins, dans un anglais tronqué et ponctué de fous rires, on fait ce que l'on peut, la main sur le coeur elle me dit avec cérémonie : my name is Ayako, toutes les dix minutes elle se penche en avant les mains jointes et puis me dit merci, je fais de même alors, arigato, arigato, je l'emmène dans les rues, les couloirs, les grandes scènes vides étranges et qu'elle ne comprend pas - la grève, je lui dis, festival annulé, la ville est en état de siège. elle sourit tout le temps, elle pousse des cris d'enfants, elle se demande sans doute qui est cette française un peu folle qui s'occupe d'elle ainsi sans la connaître du tout, qui la récupère comme tombée du ciel parce qu'elle n'a plus d'argent et nulle part où aller, cette fille qui la nourrit, la soigne, lui fait son lit, qui fait rappliquer en pleine nuit une amie japonaise pour qu'elle puisse lui parler et puis lui dit tout le temps combien elle est heureuse et combien elle comprend, combien elle aussi elle sait comme c'est éprouvant d'être perdue et seule en pays étranger quand on n'a plus personne vers qui se tourner. elle est plus âgée que moi et elle ne devrait pas mais pourtant elle insiste pour être celle qui sert le vin dans les grands verres, elle est touchée à la folie d'être accueillie ainsi et puis c'est moi qui pleure, un peu comme une enfant, toute à vif que je suis en ces étranges moments et puis brûlante déjà de vaincre la tristesse et repartir au monde, à l'abordage, à l'abordage que je crie dans les rues, c'est toi qui as raison ma petite Ayako, de traverser le monde avec ton sac au dos pour aller voir là-bas, très loin, si c'est comme dans les livres, pour pouvoir aller perdre ce qu'il nous reste de raison au soleil implacable, à l'horizon immense, à la peinture des temps, Velasquez que tu aimes, les vins forts, rougeoyants, et puis s'abandonner entière au murmure de la mer.

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