journal d'O.

dimanche 2 mars 2003

le jour on dort on fume on boit du vin rouge et on regarde Vincent François Paul et les autres, c'est dimanche, Hélène répond au téléphone pour dire que je ne suis pas là. le soir on retrouve Ali et Aileen dans un ancien hôtel particulier du Marais, on rit on fume on boit du vin rouge et on parle de Godard, des cheese-eating surrender monkeys, de la phosphorescence des années si vite passées et de la beauté de celles qui seront toujours à venir. Aileen dit : do I really look american ? je dis oui, et tu sais pourquoi ? tu ressembles à l'Amérique que j'ai connue, que j'ai aimée, l'Amérique de l'accueil à bras ouverts, de la désinvolture du corps, des films de filles, des grandes plaines d'or sous le soleil, celle où la tristesse n'est pas taboue, celle qui se cache sous les clichés, celle où l'on ose parler de tout, ouvertement, et avec un sens de l'humour encore tout anglais, la critique acerbe, sourire en coin, l'autodérision. c'est cette Amérique-là dont je me souviens, l'Amérique jeune et bouillonnante et la nuit tard dans les voitures sur l'autoroute immense quand on s'en allait sans un mot vers la mer, vers le nord, n'importe où, on avait dix-sept ans et le coeur en bataille, dix-sept ans, deux langues bien différentes mais la même urgence de se sentir vivantes.

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