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l'immédiate
journal d'O. |
jeudi 27 mars 2003 le jeune homme du pressing lisait un recueil de poésie japonaise. j'avais à la main un très beau livre d'Hokusai. il a souri. j'ai épelé mon nom et puis il l'a épelé aussi, me devançant toujours d'une lettre. j'aimais bien cette façon qu'il avait d'écrire, avec application et à longs traits déliés, un simple nom sur un coupon de carton. je le regardais avec insistance. il a rougi un peu. il parlait très doucement. ses mots étaient choisis. il n'avait pas plus de vingt ans. tout autour les robes les vestes et les manteaux défilaient dans le bruit des machines et la vapeur des fers, d'un gros cube blanc sortaient par à-coups d'étranges silhouettes de linge sur des cintres brillants, j'étais ivre soudain, ivre du bruit et puis de cette pesante, cette impossible odeur d'alcool et de térébenthine. deux femmes ont surgi brusquement. la première a pris mes robes, l'autre a ramené le jeune homme dans la pièce voisine. il était en fauteuil roulant. j'avais envie de lui parler encore. je n'ai pas su trouver les mots. |