l'immédiate
journal d'O.

 

 

hotel california

04.11.03

le soir, la voiture filait sur les routes fraîchement poudrées de neige, je collais mon visage à la glace des fenêtres. il faisait nuit noire - je devinais partout la montagne comme un aveugle une présence. ma petite soeur s'accrochait à mon bras pour monter jusqu'au chalet, quel âge avait-elle alors, huit ans peut être, moi une douzaine, j'écoutais hotel california dans mon walk-man en boucle, et il m'arrivait de pleurer. je me souviens - c'était une chanson que j'avais enregistrée au hasard d'une radio, un peu à la va-vite, sur les premiers accords on entendait la voix d'un animateur, l'heure des dédicaces, à Marie-Line mon amour, quelque chose comme ça, c'était simple et futile et ça me brûlait le coeur, des Marie-Line je n'en connaissais pas mais à ce moment-là peut être toutes les femmes du monde étaient des Marie-Line en puissance, des femmes amoureuses à qui s'offrir entier, je rêvais ces choses-là et j'attendais mon tour. cet hiver-là mes cousins nous avaient rejoints au chalet. j'écrivais dans des cahiers d'écolier. je me jetais entière dans la neige, yeux fermés. sur les pistes, le matin, j'aimais l'avalanche froide de l'air dans ma gorge, le corps libre et délié, l'odeur tendre des sapins. la vitesse me grisait. cet hiver-là ma mère portait Shalimar de Guerlain. je lisais Rimbaud. je me hissais hors de l'enfance comme par une corde à noeuds en cours de gymnastique, étape après étape, dans le rêve, dans les livres, la confiance douce et sereine d'avoir mille vies à vivre.

 

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