l'immédiate
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explosant-itinérant 09.11.03 c'est en regardant Vincent François Paul et les autres, la scène où Depardieu (que je n'aime que dans ce film) met KO son adversaire dans un combat de boxe d'une extrême violence, très long, très douloureux, que j'ai compris soudain pourquoi j'aimais tellement Arthur Cravan. Cravan l'homme libre, le déserteur, Cravan le fauteur de trouble, le joueur, l'incivilisé comme il disait lui-même, Cravan poète et anarchiste, l'imposteur, l'amoureux fou, cet homme à mille millions de facettes, insaisissable dandy (tout le monde n'est pas le neveu d'Oscar Wilde), c'est une figure lointaine en écho à tout ce que je suis, tout ce que je cherche et tout ce que je désire, tout ce dont j'ai peur aussi - Cravan c'est l'homme-poète soit, mais c'est aussi l'homme-boxeur, le violent, le sanguin, l'homme du corps et du corps en action, abîmé, s'abîmant, dans la volonté exacte de se pousser à sa propre limite, le corps lieu de souffrance et de jouissance mêlées, le corps disproportionné au monde tant dans sa taille (deux mètres quelque chose) que dans sa force, son appel, cette espèce de puissance volcanique qui l'habite et puis que rien ne semble calmer. un hystérique, Cravan, dépassé par son corps et qui cherche les eaux folles du combat, de l'amour d'une femme ou bien de la noyade pour apaiser le feu ? Cravan n'avait d'attaches nulle part. il n'était d'aucun parti, aucun mouvement, d'aucune armée, d'aucun pays. Cravan se jetait au combat comme on se jette au monde - pour sentir qu'il existe, pour l'avoir sous la peau, un instant le connaître. Cravan le monstre-enfant ? ses traits sont ceux d'une femme ou d'un très jeune garçon, son regard celui d'un chat, d'un homme qui a compris. dans les années suivant son étrange disparition il sera récupéré par Breton comme l'a pu être Lautréamont - ce vieillard de vingt trois ans - on le dira fou furieux dadaïste, précurseur du surréalisme, imposteur ou génie, on voudra l'enfermer mais comment y parvenir ? Cravan au corps immense, Cravan au corps puissant explose tout des cadres, des idées, du langage. tendre comète aux eaux noires, ses grandes mains fines jetées en boule à la sale gueule du monde, j'aime penser à Cravan comme naviguant encore de son corps impossible les bords sombres du Brésil, un cigare à la bouche mouillé d'algues luisantes, l'homme libre au coeur fou, explosant-itinérant.
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