l'immédiate
journal d'O. à Tokyo

 

 

le refuge

31.01.04

aux allées d'Ebisu on croirait le printemps, les vélos mis bien droits sur les bords des écoles, je traîne dans mon sillage mes rêves et mes désirs, des livres en vrac le soir dans des sacs en papier, fragments d'or et de films, les disques de mon père, sa douleur d'héritage tendre amour sans limites que je porte au visage avec ses souvenirs et les sourcils arqués, combien de fois dans la grande maison vide de l'enfance j'ai eu peur de tout perdre, j'ai pleuré, combien de fois aussi dangereuse et toute-puissante j'ai traîné dans mes robes les destins de passage, ma poitrine débordante de désir et d'amour où j'enfouissais ma peine, les bouches et les mains folles pour me perdre moi-même, femme-enfant femme-démon funambule des colères, allongée de toute ma peau au soleil dans l'été et attendant la foudre, toute cette fatigue du monde qui ne m'a pas tuée encore, tout ce désir de contrebande, mes mises insensées sur l'avenir - aux allées d'Ebisu toute la ville chuchote mon grand secret, mon évidence, il faudrait un amour, un amour à lustrer tout entier à ma peau comme à l'écorce des arbres, à la chair de sève chaude où je glisse mes deux mains, loin très loin au hasard pour en toucher le coeur.

 

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