l'immédiate
journal d'O.
Paris

 

 

V dans la foule, V dans l'été, V dans les grandes cours carrées, splendide et silencieux, son regard de chien-loup arrêté à mes hanches. il s'en venait tranquille, blouson rouge, yeux couteaux, buvant son café sans m'adresser un mot - petit con - et m'arrachant d'un coup à la nuit absolue ce baiser le plus profond du monde personne n'en a rien vu - plus tard, dans les jardins, sous les arcades, quands elles se traînaient toutes avides et langoureuses dans ton sillage comme de jeunes chiots : viens - et la ville, et la nuit, les carcasses des théâtres pour nos ombres de passage - tu étais sans manières avec moi, pour m'aimer, m'accompagner, précautionneusement me déchirer, grand animal puissant tu avivais la plaie quand je m'y complaisais - mes vingt-deux ans en flammes, mon paravent d'orgueil, mes larmes de faiblesse dans la nuit exotique de l'infernale provence tu les jetais d'un coup en deça de la scène comme ma robe, mes bijoux - et j'ouvrais grand les yeux - désir désentravé au gouffre de ma poitrine, toute tristesse fondue et purgée de la peau comme on purge les vipères - les filles comme toi n'ont pas le droit de douter - tous les mots dans la peau, tes deux mains de mêlée à mes cheveux, tu étais à toi seul la chaleur et l'été, corps plein, corps vivant, les yeux en lame de fond et le don du danger - fou de rage comme une bête dans la ville démantelée - exigeant avec moi comme avec une jeune soeur de sang - et c'était cela d'abord : soeur dans le désir brut, soeur dans l'urgence animale de la nuit - j'ai tout appris de toi - encore et toujours je n'aime que les garçons qui roulent leur désir et leur exigence folle du monde comme un grand frisson violent et loup noir sous leur peau.

 

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jeudi 8 décembre 2005

j'explose, j'explose complètement