l'immédiate
journal d'O.
Paris

 

 

 

 

dans les rayons des librairies toujours fiévreuse, fébrile, heureuse comme dans les débuts de l'amour - comment va ma machine désirante préférée ? me demande M - allons bon ! - d'humeur cruelle à la vérité dès lors que la nuit tombe, d'humeur farouche, à jeter des pavés obscènes dans la mare de l'attendu, le goût d'être odieuse, brûlante, tout à fait inacceptable - je parle à M comme à un frère, je dis le gouffre et l'absolu, le sang aux tempes, le trou dans la poitrine, profond, terrible, cette folle béance à la peau et qui sans cesse appelle et qui sans cesse enivre - enfin délirant à demi je m'exclame : oh si tu savais comme je voudrais être un homme quelques fois ! (M s'avance d'un bloc mais déjà le serveur l'a précédé avec emphase : eh bien ce serait un vrai gâchis !) - tout m'érode, tout me pénètre, nous descendons dans des caves contrebasses dans la peau, j'ai un verre dans chaque main et mon visage hautain, j'implose un peu il me semble toujours que ma chair se déchire, et plus profond encore, plus profond, M ne me touche pas pourtant tout de lui me protège, folle de colère et de désir mêlés sur la banquette déchirée de rouge d'une alcôve, un vieux musicien espagnol m'offre des cigarettes et me parle d'une jeunesse perdue à vivre sur des bateaux dans des mers intérieures et le bleu fou qui traînait au matin longtemps sur les cordes raides de sang de sa guitare.

 

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vendredi 9 décembre 2005